Le 8 juin 1960 est publiée au Journal Officiel une ordonnance prise en vertu des pouvoirs spéciaux votés au début de février de la même année au gouvernement Debré dont Edmond Michelet est le garde des sceaux, ministre de la justice.
Cette ordonnance, 60-529 du 4 juin 1960, passée alors inaperçue sauf aux yeux de certains juristes, modifie profondément le code pénal et le code de procédure pénale : elle rétablit la peine de mort en matière politique abolie depuis 1848. Ses principaux articles figurent ci-après :
L'intégralité du texte de l'ordonnance peut-être consultée en suivant le lien ci-dessous :
http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19600608&numTexte=&pageDebut=05107&pageFin=
Non spécialiste, il serait hasardeux d'interpréter ces textes. Aussi est-il intéressant et utile de faire appel à un très grand juriste des années 1950 et 1960, le procureur général près la cour de cassation, Antonin Besson.
http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=19600608&numTexte=&pageDebut=05107&pageFin=
Non spécialiste, il serait hasardeux d'interpréter ces textes. Aussi est-il intéressant et utile de faire appel à un très grand juriste des années 1950 et 1960, le procureur général près la cour de cassation, Antonin Besson.
Antonin Besson, né en 1895, est mort en 1985. Il débute sa carrière dans la magistrature en 1927, est avocat général à Lyon en 1940, avocat général à la cour d'appel de Paris en 1945, directeur des affaires criminelles et des grâces en 1946, conseiller à la cour de cassation en 1948, procureur général près la cour de cassation en 1951. En 1958, il est l'une des chevilles ouvrières de la réforme judiciaire et de l'élaboration du nouveau code de procédure pénale. Procureur général prés le Haut Tribunal Militaire, il est nommé, en août 1962, conseiller du gouvernement pour les affaires judiciaires, perdant ainsi son titre de procureur près la cour de cassation. Le 1er septembre 1962, est publiée, sans consultation d'Antonin Besson, une ordonnance aggravant considérablement les dispositions d'une ordonnance du 3 juin 1960 que celui-ci avait critiquée en son temps. Antonin Besson prend la décision de partir prématurément. L'honorariat lui est refusé.
En 1973, il publie chez Plon "Le Mythe de la Justice" d'où sont extraits quelques-uns de ses commentaires sur l'ordonnance du 4 juin 1960.
Antonin Besson rappelle que la peine de mort en matière politique
a été abolie en 1848 par la seconde République
Il intitule l'un des chapitres de son ouvrage, à propos de l'ordonnance du 4 juin 1960 :
"La peine de mort est rétablie en matière politique"
Et il décrit le procédé qui a permis de rétablir cette peine de mort en matière politique
en évitant que cela soit apparent. Le principe en a été d'abolir la distinction
entre sûreté intérieure de l'Etat et sûreté extérieure de l'Etat.
Antonin Besson note également que l'article 99 de l'ordonnance du 4 juin 1960
punit de la peine de mort toute participation à un mouvement insurrectionnel.
Il ajoute que la notion de complicité a pris des dimensions insoupçonnées et donne pour exemple le cuisinier qui peut signer son arrêt de mort en ravitaillant des insurgés ou des membres d'une bande armée.
Il fait également remarquer, qu'à la différence de la législation antérieure, les articles 86, 88, 89 et 90 punissent de la peine de mort un certain nombre d'infractions lorsqu'elles ont été exécutées ou tentées avec usage d'armes.
Ceci peut paraître justifié, mais selon l'article 102 du code pénal, le mot "armes" peut être pris dans un sens très extensif : couteaux de poche, ciseaux, cannes...
En fin de son chapitre sur le rétablissement de la peine de mort
en matière politique, Antonin Besson conclut ainsi :
A noter que le rapport présenté à l'assemblée nationale par Raymond Forni, relatif à la loi du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort, dans sa partie "Rappel historique", mentionne le rétablissement de la peine de mort pour crimes politiques par l'ordonnance du 4 juin 1960.
"Si de nombreux cas nouveaux d'application de la peine de mort prévus sous le régime de Vichy (vols et agressions nocturnes, incendies volontaires de récoltes...) furent supprimés à la Libération, d'autres furent cependant ajoutés plus tard : vol à main armée (loi du 23 novembre 1950), incendie volontaire ayant entraîné la mort ou des infirmités graves (loi du 30 mai 1950), violences ou privations d'aliments ou de soins à enfants ayant entraîné la mort ou avec l'intention de la donner (loi du 13 avril 1954), crimes politiques (ordonnance du 4 juin 1960)."
Edmond Michelet était ministre de la justice quand l'ordonnance du 4 juin 1960 a été élaborée par son ministère et publiée. Sa signature figure en bas de cette ordonnance qui rétablit la peine de mort en matière politique, abolie depuis 1848.
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