mercredi 15 avril 2015

Edmond Michelet et l'Eglise. Etudes réunies par Nicole Lemaitre

Edmond Michelet et l'Eglise
Sous ce titre s'est tenu les 28, 29 et 30 septembre 2012 à Aubazine, en Corrèze, un colloque organisé par la commission historique nommée par Mgr Charrier dans le cadre de la cause Edmond Michelet, commission composée d'Yves-Marie Hilaire, de Jean-Marie Mayeur, de Philippe Boutry, d'Hélène Say,  Nicole Lemaitre, de Nicolas Risso et de Jean-Marc Ticchi.  Depuis cette date, Jean-Marie Mayeur et Yves-Marie Hilaire sont décédés.
Nicole Lemaitre a publié en janvier 2015, aux Editions "Artois Presse Université", un ouvrage reprenant le titre du colloque et sous-titré "Etudes réunies par Nicole Lemaitre". En quatrième de couverture, il est noté : "Actes du colloque d'Aubazine".
Dans le présent blog, figure à la date du 21 octobre 2012 une recension de ce colloque, fondée sur les notes prises sur place lors des différents exposés. La publication de l'ouvrage de Nicole Lemaitre autorise à revenir sur ce colloque dans la mesure où certains des textes réunis vont largement au-delà des exposés oraux d'alors.

C'est en particulier le cas du texte rédigé par Jacques Prévotat "Edmond Michelet et les évêques", de loin le plus intéressant de l’ensemble car écrit par un vrai historien. Alors qu'au colloque, la question de l'article virulent de Michelet, publié en mars 1969 dans l'hebdomadaire Carrefour et dénonçant "la marxisation des évêques de France", n'avait été abordée - en surface - que grâce à la question d'un auditeur – votre serviteur, le texte de Jacques Prévotat développe ce point et note que l'adresse aux évêques a suscité dans l'épiscopat, sauf une exception, irritation (Cardinal Lefebvre, président de la conférence épiscopale française) et désapprobation (Mgrs Riobé, Barthe, Marty, Maurice, Streiff). (voir le texte de l'article in fine).
A noter également dans ce texte, la citation d'un extrait de la prière dite par Edmond Michelet à Notre-Dame lors de la veillée de prières pour la paix en Algérie du 18 décembre 1960, veillée à laquelle François Mauriac et Georges Bidault ont également participé : « Sous ces voûtes de pierre qui virent s'élever, au printemps de notre patrie, les yeux du roi Louis (IX), votre confesseur, monarque pacifique qui sut, dans la justice, mettre un terme à une guerre fratricide, nous vous prions, Seigneur, pour que la France reste fidèle à sa vocation séculaire, nous qui croyons aussi "que vous l'avez créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires". » La dernière partie de cet extrait reprend, mot pour mot, l’expression utilisée par Charles de Gaulle au tout début de ses « Mémoires de Guerre ». Jacques Prévotat note : « Sa prière associe foi ardente, vocation chrétienne de la France, profession de foi patriotique gaullienne ».  Dit d’une autre manière, Edmond Michelet confond son gaullisme et sa foi chrétienne et tend aussi à confondre De Gaulle et Saint Louis, dans la mesure où il assimile la politique du général de Gaulle vis-à-vis des chefs du F.L.N. à la politique de Saint Louis vis-à-vis du roi d’Angleterre. Il le dira explicitement le 5 janvier 1961 dans un discours à Poissy : « Je conseille ici, à certains scrupuleux, de se rapporter au geste audacieux et hautement politique par lequel Louis IX sut, en son temps, finir une guerre que son armée avait gagnée sur le terrain. Saint Louis, dont le rayonnement fut l’orgueil de notre patrie, signa un accord comparable à bien des égards à celui qui suivra bientôt, il faut l’espérer, la fin des hostilités en Algérie ». Il oublie – simple détail – que De Gaulle a en face de lui le F.L.N. tandis que Saint Louis a en face de lui Henri III Plantagenêt, son beau-frère (ils avaient épousé deux sœurs, respectivement Marguerite et Eléonore de Provence).
Comment peut-on proposer des analogies aussi aberrantes et faire des analyses aussi erronées ? Seraient-elles purement intellectuelles qu’elles ne porteraient pas à conséquence. Mais il s’agit d’un responsable politique, détenteur d’un ministère ultra-sensible, celui de la Justice. Edmond Michelet est dans une situation d’allégeance volontaire au chef de l’Etat qui lui fait échafauder des raisonnements et des analogies totalement artificiels dans le but de justifier la politique de celui-ci, dont on connaît les résultats sanglants en Algérie.

Autre point intéressant, non abordé lors du colloque, la position d’Edmond Michelet vis-à-vis de l’Encyclique « Humanae Vitae ». Il apprécie la « Note pastorale » des évêques de France du 8 novembre 1968 adhérant – contrairement à nombres d’épiscopats européens – à  l’Encyclique Humanae Vitae, la jugeant « équilibrée, pondérée, humaine, respectueuse du "mystère" de l’amour ».
Que n’a-t-il protesté publiquement ou démissionné lorsque, le 7 juin 1967, le conseil des ministres dont il faisait partie a approuvé la proposition de loi de Lucien Neuwirth sur la « prophylaxie anticonceptionnelle » ? Cette loi est votée le 19 décembre 1967 et promulguée le 29 décembre. Elle est contraire à l’enseignement permanent de l’Eglise sur la contraception artificielle, enseignement repris et développé précisément dans l’Encyclique Humanae Vitae.  Les contradictions entre paroles et actes d’Edmond Michelet trouvent, là encore, leur origine dans son allégeance complète au chef de l’Etat.

Que dire des autres textes ?
Celui de Pascal Bousseyroux et Nicole Lemaitre, intitulé « Les prêtres en contact avec Michelet », est purement descriptif. Il se caractérise par une succession de noms de prêtres en relation avec Edmond Michelet, depuis les prêtres d’avant la première guerre jusqu’à ceux de la fin de sa vie. Quelques figures s’en dégagent : l’abbé Alvitre, curé de Saint Sernin de Brive ; l’abbé Sigala, résistant en Dordogne et déporté comme Michelet à Dachau; l’abbé Franz Stock, aumônier de la prison de Fresnes, bien sûr ; l’abbé Francis Delissalde, un prêtre pas banal qui, entre autres, a été aumônier de la Marine en Indochine.
Un détail qui n’en est pas un : Il est écrit, à propos de Dachau : « Sur 7000 "sorciers du ciel", issus de 28 nations et enfermés dans le block 26, 5000 vont disparaître ». Un ouvrage récent, "La Baraque des Prêtres, Dachau 1938-1945", de mon fils Guillaume Zeller, publié en janvier 2015 chez Tallandier, fait état de 2720 prêtres, religieux et séminaristes détenus dans les blocks 28 et 30 auxquels s’ajoute en 1941 le block 26. Sur ce total, 1034 y ont laissé la vie.
Les nombres cités par Pascal Bousseyroux et Nicole Lemaitre correspondent sensiblement à l’ensemble des prêtres déportés dans la totalité des camps de concentration ouverts par le régime national-socialiste ; il est regrettable de rencontrer une telle inexactitude dans une communication élaborée par deux universitaires.

Hélène Say aborde le sujet « Les conseillers d’Edmond Michelet » en commençant par : « Il n’y a pas de rupture entre Michelet homme politique, Michelet chrétien engagé et catholique pratiquant. »  On en cherche la démonstration. Peut-être cette non rupture existe-t-elle jusqu’en 1945 ? Ce qui frappe dans la vie publique d’Edmond Michelet après 1945, période très peu analysée par Hélène Say, c’est justement le fossé qui sépare ses déclarations, ses professions de foi affichées et ses prières en public de ses actes dans le cadre de ses responsabilités ministérielles, en particulier au ministère de la Justice.
Une page entière est consacrée aux relations avec Paul Touvier. Seulement Hélène Say ne mentionne pas un fait important : l’entretien accordé par Edmond Michelet à Touvier le 19 mai 1970 en son domicile de Brive. Tout ce qui pourrait écorner l’image d’Edmond Michelet est soigneusement gommé.
Hélène Say considère que Michelet, dans son action politique, s’est élevé au rang de « témoin du Christ ». Et elle conclut : « Ainsi …… devient-il pour son entourage religieux un modèle du chrétien en politique, et pour la hiérarchie catholique une sorte de héros. »
On est complètement dans les nuages ! Tout cela n’est que tourbillon de paroles. Aucune analyse des actes, en particulier en tant que ministre de la Justice.   

Nicolas Risso, curé d’Objat en Corrèze, s’intéresse aux « sources de la spiritualité d’Edmond Michelet ». On reconnaît immédiatement un texte de Nicolas Risso à la façon qu’il a de rendre naturellement inintelligible ce qui est simple ; exemple : « Les traces d’une spiritualité se trouvent bien dans la contingence historique, dans l’œuvre du temps, et ces traces sont l’écho de l’intime relation qui lie le croyant et son Dieu. » Que veut-il dire ? Est-ce simple ou est-ce si subtil que c’en est incompréhensible pour 99% du lectorat ?
« Michelet découvre avec son père une certaine forme d’approche de la réalité qui le rattachera plus tard à une vision sapientielle de celle-ci. »
A propos de la spiritualité conjugale d’Edmond Michelet et de son épouse : « Leur vie conjugale est irriguée par la prière – jusqu’ici tout va bien. Cette prière n’est pas une simple sublimation d’une absence mais bien l’ouverture au désir dès les premières absences, c’est-à-dire dès le départ en Allemagne, le 28 mars 1921, jusqu’à la mort de Michelet en 1970, autrement dit quarante –neuf ans de désir au creux d’une présence marquée par l’absence. » Qu’est-ce que ce charabia ?  Et pour finir : « Nous avons là un homme ordinaire dont l’ambition finalement est tout simplement d’être un homme, un homme qui habite son existence. »
N’a-t-on pas affaire à un pédant faisant étalage intempestif d’un savoir mal assimilé ? Autrement dit, un cuistre ?

Pascal Bousseyroux traite le thème : « Edmond Michelet et la formation de chrétiens conscients ».
On y apprend incidemment qu’Edmond Michelet a continué à cotiser à l’Action Française jusqu’en 1928 alors que la condamnation de celle-ci par le pape Pie XI date de décembre 1926 et que les adhérents de l’Action Française sont interdits de sacrements à partir du 8 mars 1927.
Il serait intéressant de savoir quelle a été l’attitude d’Edmond Michelet après cette date. Ayant réglé sa cotisation de 1927 et de 1928 à L’Action Française, il en était adhérent. S’est-il approché des sacrements durant cette période, ce qui l’aurait mis en infraction avec l’interdiction édictée en mars 1927 ? Ou bien, en tant que membre de L’Action Francaise, s’en est-il abstenu et jusqu’à quelle date ?

Pascal Bousseyroux intitule un chapitre : « L’homme politique, sentinelle des valeurs chrétiennes ». A la lecture de ce chapitre, on comprend que Michelet a beaucoup parlé des valeurs chrétiennes mais que tout cela reste verbal. Et ses « valeurs chrétiennes » se confondent avec son gaullisme sans qu’on sache très bien ce qui l’emporte.

Un point à noter à propos de la loi Neuwirth autorisant la production et la commercialisation de pilules anticonceptionnelles. On sait que, lors du tour de table au conseil des ministres du 7 juin 1967, Edmond Michelet avait fait part de son opposition à la proposition de loi de Neuwirth, dont, en fin de séance, le chef de l’Etat avait dit qu’il l’approuvait et qu’il fallait la faire voter par le Parlement. Peu après cette réunion du conseil, Michelet reçoit une lettre de Charles Reverdy, président de la confédération nationale des associations familiales catholiques, qui lui fait part de ses extrêmes réserves vis-à-vis de cette proposition de loi. Dans sa réponse datée du 15 juin 1967, Edmond Michelet écrit : « Personnellement je partage les sentiments sur les problèmes que vous soulevez. Vous n’ignorez cependant pas qu’une très large majorité de catholiques a fait une confiance totale à l’homme politique qui a lancé l’idée de la proposition de loi en question. »
Quelle interprétation donner à ces lignes ? L’homme politique est Lucien Neuwirth. Comment Edmond Michelet peut-il affirmer « qu’une très large majorité de catholiques a fait une confiance totale à l’homme politique qui a lancé l’idée de la proposition de loi en question » ? Et surtout, alors que le Magistère de l’Eglise est très clair dans son opposition aux méthodes artificielles de contraception, Edmond Michelet – qui se proclamera fidèle au pape Paul VI dans une lettre cosignée avec François Mauriac, Etienne Gilson et treize autres personnalités et publiée dans Le Monde du 18 décembre 1968 – se réfugie derrière une prétendue acceptation par les catholiques de la loi ouvrant la voie à la commercialisation de la pilule, pour ne rien faire, ne pas faire part ouvertement de son opposition à cette loi et ne pas démissionner du gouvernement qui a donné son accord au vote de cette loi. 

Intéressant également, le passage sur Edmond Michelet et l’Islam : On y apprend qu’Edmond Michelet participe au comité d’entente France-Islam depuis 1947. Il y côtoie Louis Massignon. En juillet 1959, ministre des anciens combattants, il participe à la cérémonie en l’honneur des sept saints dormants d’Ephèse, cérémonie associant des musulmans qui lisent la sourate coranique sur la légende de ces sept saints. Quelques mois plus tard, lors d’un hommage à Charles de Foucauld, il salue chaleureusement la présence de Hamza Al-Sid Boubakeur, député des Oasis (et non député d’Alger comme indiqué inexactement dans le texte).
Comment aurait réagi ses amis du comité d’entente France-Islam et les musulmans qu’il a côtoyés à cette phrase d’Edmond Michelet rappelant son état d’esprit de 1939 à propos du national-socialisme et de Hitler : « Je me refusais à l’instauration d’une civilisation, disons aujourd’hui, pire que l’Islam ; nous étions en présence d’un nouveau Mahomet » ?
Encore un exemple du double langage d’Edmond Michelet.


Pour finir, Jean-Dominique Durand et Nicole Lemaître traitent du sujet : « Edmond Michelet et l’œcuménisme », un thème pour ainsi dire non traité jusqu’alors. En 1962, Edmond Michelet devient président de l’I.C.L. (International Christian Leadership), organisme rassemblant catholiques et protestants qu’il avait découvert aux Etats-Unis en 1954. La branche française en sera le Mouvement International de Responsables Chrétiens (M.I.R.C.) qui accueillera également des orthodoxes. Le M.I.R.C. aurait contribué au rapprochement de la France et de l’Allemagne, à la compréhension entre pays du Benelux, à des rencontres fécondes entre la France et l’Angleterre.
Dans le cadre de l’I.C.L., une conférence mondiale est organisée à Noordwijk sur le thème « Vivre en conflit ». Les auteurs de l’article y introduisent artificiellement quelques lignes, d’ailleurs peu claires, sur l’attitude d’Edmond Michelet à la fin du conflit algérien : « Nous reviendrons dans un autre contexte sur le rôle d’E. Michelet dans les négociations en Algérie, parce qu’il joue d’abord son rôle d’homme d’Etat, spécialement dans l’association France-Algérie qui lui tient particulièrement à cœur ; mais c’est justement à cette occasion qu’apparaît le mieux cette fonction qui consiste à « désarmer la haine », qu’il avait à l’évidence apprise de l’expérience concentrationnaire et qui l’a amené, plusieurs mois avant l’indépendance, à nouer des contacts avec les dignitaires algériens. »
Une remarque sur les "dignitaires algériens" : qualifier de dignitaires les chefs du F.L.N. dont Edmond Michelet écrivait en juin 1957 « ils masquent une frénésie raciste analogue à celle que Hitler voulait imposer au monde, en utilisant des moyens identiques aux siens » est difficilement compréhensible. De quelle dignité s’agit-il ?
Comment, selon Nicole Lemaitre et/ou Jean-Dominique Durand, l’expérience concentrationnaire a-t-elle pu  amener Michelet à nouer des contacts avec des gens qu’il compare aux nazis ? Qui peut comprendre cela ?







Michelet  - Carrefour Mars 1969
Un appel d'Edmond Michelet aux Evêques français

Ainsi donc, Messeigneurs - pardon, Pères, puisque c'est ainsi que vous entendez être interpellés en attendant le jour proche où il faudra sans doute vous donner du Camarade - ainsi donc vous venez nous informer de votre dernière découverte.
« L'unité des chrétiens est mise à rude épreuve », selon vous, parce que d'une part l'annonce de l'Evangile aux travailleurs est pour l'Eglise de France un impératif urgent et que, d'autre part, « les communautés chrétiennes souffrent d'être remises en cause de manière quelquefois brutale par les chrétiens les plus représentatifs du monde ouvrier ou par des prêtres en communion avec eux ».
Il faut en convenir, mes Pères, notre unité est effectivement mise à rude épreuve.
C'en est une, par exemple, pour le laïc indigne qui formule ces réflexions que de découvrir qu'en mai 1968 « ce qui avait été pendant quelques jours la grande espérance du monde ouvrier… s'est brusquement transformé en une douloureuse déception ».
Et pourquoi donc, grands dieux ? Mais tout bonnement, s'il fallait vous en croire, parce que l’affreux Théodose qui chez nous exerce scandaleusement les fonctions de chef d’Etat sous le nom de Charles de Gaulle a prononcé le 30 mai un discours qui a ruiné cette espérance du monde ouvrier de voir «  le changement profond de sa situation ». Et voilà pourquoi, concluez-vous, nous « ressentons aujourd’hui, mais sous une forme accrue, le mécontentement d’avant mai 1968 ».
Et vous ajoutez gravement : « Il y a des signes qui semblent indiquer qu’une nouvelle crise serait plus violente ».
Ah ! mes Pères, ne me tenez pas rigueur de vous parler avec la franchise d’un fils qui se fait une si haute idée de la notion d’autorité qu’une image se présente à lui devant votre déconcertante attitude : celle du manteau de Noé qui lui avait déjà servi, naguère, pour se mettre en paix avec sa conscience.
C’était, faut-il vous le rappeler ?, lorsque, à la quasi-unanimité de certains d’entre vous ou de vos prédécesseurs immédiats, vous vouliez nous convaincre qu’en présence du totalitarisme nazi, il fallait nous résigner à la collaboration.
Ne vous est-il jamais venu à l’esprit que les premières manifestations de désobéissance chez certains de vos jeunes prêtres et de vos laïcs sont venues alors de leur refus de vous suivre dans une prise de position dont ils discernaient, dès ce moment, les redoutables conséquences ?
Ces conséquences, nous y voici.
Au scandale dénoncé par le grand Pie X, celui d’une église du XIXe siècle passant sans s’arrêter, comme le lévite de l’Evangile, devant les victimes d’un capitalisme alors monstrueusement inhumain, est en train de s’ajouter, si nous n’y prenons garde, en cette fin de notre XXe siècle, un autre scandale, , celui que serait, par complexe de culpabilité, le ralliement implicite aux thèses d’un autre totalitarisme qui prétend, comme l’autre, répondre par la violence et par la haine au problème posé par ce qu’il appelle la lutte des classes.
Ainsi donc, mes pères, dîtes-nous le carrément : vieille lune que la doctrine sociale de l’Eglise, comme ne le cessent de le proclamer vos « chrétiens les  plus représentatifs du monde ouvrier » ?
Pêcheurs de lunes, par conséquent, tous ces pontifes qui de Léon XIII à Paul VI, tout comme de Gaulle, proposent la participation pour répondre à la légitime attente des travailleurs ?
Vieille lune, pour tout dire, quiconque se refuse à considérer Marx ou Freud comme de nouveaux docteurs de l’Eglise.
Et pour finir, vieille lune sans aucun doute, ayant le plus urgent besoin d’être démythifié, le refoulé qui, en ce dimanche de Laetare, se prend à espérer encore, à espérer toujours, comme jadis pendant votre terrifiant silence dans son camp de concentration.
Ah ! Oui ! Mes Pères, rude, rude épreuve…