jeudi 28 août 2014


Edmond Michelet appelle au soulèvement de l’armée contre le régime

2 janvier 1956, les élections législatives, conséquence de la dissolution de la Chambre par le président du Conseil, Edgar Faure, donnent une majorité au « Front Républicain » groupé autour du parti socialiste S.F.I.O. La représentation gaulliste à l’Assemblée disparaît quasi totalement tandis que le mouvement poujadiste obtient plus de quarante élus. Guy Mollet devient président du Conseil ; son ministre de la Défense nationale est Maurice Bourgès-Maunoury assisté pour l’armée de terre d’un secrétaire d’Etat, Max Lejeune.
Le nouveau cabinet se trouve confronté aux événements d’Afrique du Nord d’une inquiétante gravité : 
-          -  développement de la rébellion et du terrorisme en Algérie où les effectifs de l’armée sont passés en 1955 de 80.000 à 225.000 hommes,
-         -   processus d’accession du Maroc à l’indépendance dans un contexte d’insécurité généralisée et de violence exercée à l’encontre les résidents et militaires français,
-          -  agitation en Tunisie où Habib Bourguiba demande l’indépendance complète.
C’est dans ce contexte, à la fin de février, peu après la constitution du nouveau cabinet intervenue le 29 janvier 1956, que le chef d’état-major et inspecteur de l’armée de terre, le général André Zeller, démissionne de son poste. Peu après, le général Guillaume, chef d’état-major général se démet également de ses fonctions. Ces démissions traduisent le « malaise de l’armée » soumise à chaque changement de cabinet ( moins de six mois de durée de vie moyenne) à des changements brusques d’orientation, à des décisions non réfléchies et à l’absence de continuité dans la politique  menée en Afrique du Nord, empêchant de surcroît la définition et la mise en œuvre de plans à moyen et long terme en ce qui concerne l’équipement et les forces.
Edmond Michelet, sénateur « républicain social » (gaulliste) de la Seine, écrit alors, le 7 mars 1956, un article dans Carrefour, hebdomadaire gaulliste et partisan résolu de l’Algérie française.
Cet article donne d’Edmond Michelet une image inattendue à ceux qui se souviennent de son passage au ministère de la Justice, de 1959 à 1961, et à la présidence de l’association France-Algérie, de 1963 à 1970 : pas de partisan plus convaincu de l’Algérie française, pas de soutien plus ferme de l’action de l’armée française en Algérie qu’Edmond Michelet en 1956.
On ne savait pas qu’Edmond Michelet, le gaulliste démocrate-chrétien, avait prôné le soulèvement de l’armée contre le régime en place. C’est pourtant ce qu’exprime très clairement la conclusion de l’article. S’en souviendra-t-il lorsque, cinq ans plus tard, ministre de la Justice, il aura à signifier, au procureur près le Haut Tribunal militaire, les directives du gouvernement sur la peine à requérir contre les auteurs de la révolte d’avril 1961 à Alger ? Apparemment pas puisqu’il lui enjoindra de requérir la peine de mort.


Note pour la compréhension de certains points de l’article :
-         -  le « vainqueur de Monte-Casale et de Castelforte » est le général Juin, élevé en 1952 à la dignité de maréchal de France. Il a été résident général au Maroc de 1947 à 1951 ;
-        -   le « héros de Bir-Hakeim » est le général Koenig, ministre de la Défense nationale des gouvernements Mendès-France et Edgar Faure en 1954-55, coupable aux yeux des gaullistes intransigeants de s’être commis avec le « régime ».
-          - « Polygone » est l’un des pseudonymes dans la résistance de Maurice Bourgès-Maunoury tandis qu’« Algèbre » est celui du général Paul Ely, nommé le 1er mars 1956 chef d’état-major général en remplacement du général Guillaume démissionnaire. Le général Ely était directeur du cabinet militaire d’Edmond Michelet quand celui-ci était ministre des armées entre novembre 1945 et décembre 1946.














lundi 28 juillet 2014

14 juillet 1958 : Michelet s'adresse aux anciens combattants venus d'Algérie

Le 14 juillet 1958, Charles de Gaulle est président du Conseil depuis un mois et demi. Edmond Michelet est son ministre des anciens combattants. Sur la place de l'Hôtel de Ville de Paris sont réunis 4000 anciens combattants musulmans et 2000 jeunes venus d'Algérie. Le président du conseil municipal ouvre la cérémonie en leur souhaitant la bienvenue. M. Azem Ouali, président de l'association des maires de Kabylie et futur représentant de la Kabylie à l'assemblée nationale, lui répond ainsi : "Nous sommes venus ici, sur ce lieu de pèlerinage, manifester à notre patrie notre reconnaissance et notre attachement".
Edmond Michelet, dont le discours sera suivi de celui d'André Malraux, prend alors la parole pour affirmer que les anciens combattants d'Algérie auront les mêmes droits et les mêmes prérogatives que leurs homologues de métropole.
Dans les jours qui suivent, il fait une déclaration exclusive à l'hebdomadaire Carrefour, publication qui a milité vigoureusement pour le retour de De Gaulle au pouvoir et pour l'Algérie française. 
Voici l'article qui en est résulté : 



Outre un développement intéressant sur le peuple et l'armée - Edmond Michelet a été ministre des armées de novembre 1945 à décembre 1946 - le ministre des anciens combattants écrit donc à propos de la cérémonie sur la place de l'Hôtel de Ville que la présence des quatre mille anciens combattants d'Algérie et celle de deux mille jeunes musulmans "affirmait qu'il n'y avait, d'un bord à l'autre de la Méditerranée,qu'une seule France retrouvée dans l'unité, une France libre, égale et fraternelle."
Edmond Michelet s'est-il souvenu de ses paroles de juillet 1958 quand,  en 1967, ministre d'Etat, il s'est rendu en voyage officiel à Alger, capitale de la République algérienne démocratique et populaire et qu'il a serré les mains de ceux qui avaient sur la conscience le meurtre de dizaines de milliers d'anciens combattants et de harkis qui avaient le seul tort d'avoir cru en ses paroles de 1958 ?  

mardi 8 avril 2014

Le Jour du Seigneur, le jour de Michelet


Lors de l’émission télévisée Le Jour du Seigneur du dimanche 6 avril 2014, sur la chaîne France 2, Michel Cool a consacré sa chronique littéraire à un livre récemment publié par une petite-fille d’Edmond Michelet, Agnès Brot.
Voici la présentation de cet ouvrage telle qu’elle apparaît sur le site du Jour du Seigneur :
D'après les souvenirs de sa mère, la petite-fille d’Edmond Michelet retrace le roman familial de son grand-père, chrétien, déporté, Juste parmi les nations et grand homme d’Etat. Son procès de béatification est en cours depuis 1976. Un fort témoignage de la puissance de la foi. A la Recherche d’Edmond Michelet d’Agnès Brot aux éditions Le Passeur. (Nous y reviendrons dans l'article dédié à la bibliographie des œuvres consacrées à Edmond Michelet) 

Et voici la transcription de l’intervention télévisée de Michel Cool :

En 1970, le ministre de la Culture, Edmond Michelet, organisa une année Saint Louis pour les 700 ans de sa mort. Bien heureuse coïncidence, en cette année du huitième centenaire de la naissance du roi, un livre paraît sur l’ancien ministre. Ce livre vient après beaucoup d’autres, mais celui-ci vaut vraiment le détour. D'abord parce qu’il publie des confidences inédites de Christiane, sa fille aînée ; ensuite, il nous éclaire sur la spiritualité de ce grand résistant, ancien déporté et ministre de la Ve République. Elle est celle d’un ministre qui priait avant toute chose pour rester attentif à Dieu et aux hommes, pour aussi déborder de tendresse et de miséricorde avec sa famille, ses amis … et même ses adversaires politiques. Ce livre, émouvant, témoigne qu’une action politique transcendée par l’amour peut mener sur le même chemin que Saint Louis. Oui, la politique n’est pas une zone interdite à la sainteté.

Qui est Michel Cool ? Après avoir été directeur et rédacteur-en-chef de Témoignage Chrétien de 1997 à 2005, il a été rédacteur-en-chef de La Vie (ex-Vie Catholique) de 2011 à 2013. Il est maintenant éditeur aux éditions Salvator.

Et voici le commentaire posté par mes soins le 8 avril 2014 sur le site du jour du Seigneur
Un peu de discernement à propos d'Edmond Michelet est nécessaire. Pour le connaître, ne pas se limiter aux écrits de ses enfants ou petits-enfants.
A-t-il prié avant de rétablir le 4 juin 1960 la peine de mort pour crimes politiques abolie depuis 1848 ? Est-ce déborder de tendresse que de réclamer la peine de mort à l'encontre des généraux Challe et Zeller : "Le code est formel; il prévoit la peine de mort; on n'aperçoit pas quelles circonstances atténuantes peuvent être découvertes".
Est-ce charitable de considérer comme scandaleux  le verdict du tribunal de seulement 15 ans de détention (au lieu de la peine de mort) ?
Quand le conseil des ministres approuve le 7 juin 1967 la proposition de loi Neuwirth sur la contraception artificielle condamnée par le Magistère de l'Eglise, Edmond Michelet a-t-il démissionné du gouvernement ? Non !
Donc, un peu de retenue quant aux appréciations portées sur Edmond Michelet ! Merci.
Bernard Zeller

Commentaire final : On reste stupéfait de l’aveuglement, volontaire ou involontaire, des thuriféraires de Michelet. Rien dans la case « passif »! La perfection est-elle de ce monde ? Edmond Michelet en est-il une incarnation ?

samedi 22 février 2014

Interview d’Edmond Michelet à Dachau le 5 mai 1945 par  un officier américain

(Langue originale : anglais)







L’officier américain : Etes-vous français ?

Edmond Michelet : Je suis français

O.A. : Pouvez-vous nous parler de votre expérience dans ce camp ? Nous aimerions savoir depuis combien de temps vous êtes ici et pour quelles raisons.

E.M. : Je suis un des premiers à avoir été arrêté en France. J’ai été arrêté à la fin de janvier 1943. Je suis ici depuis presque deux ans. Je suis resté six mois à la prison de Fresnes, à Paris ; un mois dans l’horrible camp de Sarrebruck où j’ai vu des choses terribles ; et je suis arrivé en septembre 1943. Alors, le camp n’était pas aussi dur qu’il n’était auparavant.
Mais cependant, j’ai aussi vu ici des choses terribles.

O.A. : Par exemple ?

E.M. : Par exemple, et bien, dix jours après mon arrivée ici, nous avons dû rester 36 heures à un endroit, 36 heures comme ceci (Edmond Michelet prend la position de « garde à vous »), au bon plaisir du garde, 


immobiles, à ne rien faire. Il était strictement interdit d’aller nulle part, de faire quoi que ce soit.
Ce que je veux vous dire : en juin-juillet dernier, un convoi français de milliers de personnes, des français, des politiques ; dans ce train, plus de la moitié des gens sont morts ; ils sont morts. En français on l’appelle « le convoi de la mort », the death convoy.

O.A. : C’est très similaire au train qui… (L’officier américain désigne un déporté interviewé auparavant)

E.M. : Exactement. Le mois de juillet a été celui de la mort d’un millier de français.

O.A. : De quoi sont-ils morts ?



 E.M. : Les gens d’ici disent qu’ils étaient entassés dans les wagons…, une température de 38°, pas d’eau depuis Compiègne, six jours, pas d’eau du tout, c’était absolument terrible.

O.A. : Combien de personnes sont-elles venues comme prisonniers… (inaudible)

E.M. : (Inaudible) ….. Nous étions parmi les premiers, je vous l’ai dit ; …(inaudible)

O.A. : A quoi attribuez-vous le fait que vous soyez en vie aujourd’hui ?

E.M. : A la Providence, à la Providence. Je suis catholique romain et, vous savez, je crois réellement en Dieu. (Avec un sourire) Je suis obligé de croire en Dieu !



O.A. : Merci, merci.