2 janvier 1956, les élections législatives, conséquence de
la dissolution de la Chambre par le président du Conseil, Edgar Faure, donnent
une majorité au « Front Républicain » groupé autour du parti
socialiste S.F.I.O. La représentation gaulliste à l’Assemblée disparaît quasi
totalement tandis que le mouvement poujadiste obtient plus de quarante élus.
Guy Mollet devient président du Conseil ; son ministre de la Défense
nationale est Maurice Bourgès-Maunoury assisté pour l’armée de terre d’un
secrétaire d’Etat, Max Lejeune.
Le nouveau cabinet se trouve confronté aux événements
d’Afrique du Nord d’une inquiétante gravité :
- - développement de la rébellion et du terrorisme
en Algérie où les effectifs de l’armée sont passés en 1955 de 80.000 à 225.000
hommes,
- - processus d’accession du Maroc à l’indépendance
dans un contexte d’insécurité généralisée et de violence exercée à l’encontre
les résidents et militaires français,
- - agitation en Tunisie où Habib Bourguiba demande
l’indépendance complète.
C’est dans ce contexte, à la fin de février, peu après la
constitution du nouveau cabinet intervenue le 29 janvier 1956, que le chef
d’état-major et inspecteur de l’armée de terre, le général André Zeller,
démissionne de son poste. Peu après, le général Guillaume, chef d’état-major
général se démet également de ses fonctions. Ces démissions traduisent le
« malaise de l’armée » soumise à chaque changement de cabinet ( moins
de six mois de durée de vie moyenne) à des changements brusques d’orientation, à
des décisions non réfléchies et à l’absence de continuité dans la
politique menée en Afrique du Nord, empêchant
de surcroît la définition et la mise en œuvre de plans à moyen et long terme en
ce qui concerne l’équipement et les forces.
Edmond Michelet, sénateur « républicain social »
(gaulliste) de la Seine, écrit alors, le 7 mars 1956, un article dans Carrefour, hebdomadaire gaulliste et
partisan résolu de l’Algérie française.
Cet article donne d’Edmond Michelet une image inattendue à
ceux qui se souviennent de son passage au ministère de la Justice, de 1959 à
1961, et à la présidence de l’association France-Algérie, de 1963 à 1970 :
pas de partisan plus convaincu de l’Algérie française, pas de soutien plus
ferme de l’action de l’armée française en Algérie qu’Edmond Michelet en 1956.
On ne savait pas qu’Edmond Michelet, le gaulliste
démocrate-chrétien, avait prôné le soulèvement de l’armée contre le régime en
place. C’est pourtant ce qu’exprime très clairement la conclusion de l’article.
S’en souviendra-t-il lorsque, cinq ans plus tard, ministre de la Justice, il
aura à signifier, au procureur près le Haut Tribunal militaire, les directives
du gouvernement sur la peine à requérir contre les auteurs de la révolte d’avril
1961 à Alger ? Apparemment pas puisqu’il lui enjoindra de requérir la
peine de mort.
Note pour la compréhension de certains points de l’article :
- - le « vainqueur de Monte-Casale et de
Castelforte » est le général Juin, élevé en 1952 à la dignité de maréchal
de France. Il a été résident général au Maroc de 1947 à 1951 ;
- - le « héros de Bir-Hakeim » est le
général Koenig, ministre de la Défense nationale des gouvernements
Mendès-France et Edgar Faure en 1954-55, coupable aux yeux des gaullistes
intransigeants de s’être commis avec le « régime ».
- - « Polygone » est l’un des pseudonymes
dans la résistance de Maurice Bourgès-Maunoury tandis qu’« Algèbre »
est celui du général Paul Ely, nommé le 1er mars 1956 chef
d’état-major général en remplacement du général Guillaume démissionnaire. Le
général Ely était directeur du cabinet militaire d’Edmond Michelet quand
celui-ci était ministre des armées entre novembre 1945 et décembre 1946.
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