dimanche 13 décembre 2015

Déni de responsabilité d'Edmond Michelet :
On ne retient que l'actif, rien du passif, fut-il écrasant.

Voici la transcription de l'exposé fait par Nicole Lemaitre sur le thème "Peut-on conjuguer éthique et politique" au titre de l'Académie catholique de France et diffusé sur la chaîne de télévision KTO par trois fois en ce début de décembre 2015. 


Académie catholique de France  
7 décembre 2015

Peut-on conjuguer éthique et politique ?

Nicole Lemaitre

Sans doute, car des dossiers attendent à Rome la béatification de plusieurs acteurs du XXe siècle, Robert Schuman, Alcide de Gasperi, Edmond Michelet. Sont-ils des modèles ? Pour répondre, il faut comprendre d'où vient leur engagement. Nous suivons ici l'itinéraire d'Edmond Michelet pour lequel la documentation disponible révèle les principes et les ressorts de l'action. Avec les jeunes de l'Action Catholique de la Jeunesse Française, selon sa devise Piété, Etude, Action, Michelet fut d'abord en 1921 un patriote admirateur de Péguy, son prophète, lancé dans l'action éducative et sociale. Dans la crise de l'Action Française, en 1927, il suit le Maritain de Primauté du Spirituel qui devient "son docteur".
Il a fallu la montée des totalitarismes, l'expérience de la Résistance et de la Déportation pour qu'il entre en politique. Quatre axes permettent, dès les années 1930, de mesurer son engagement.
L'accueil des réfugiés espagnols à Brive initie son combat contre les idéologies. Lecteur de L'Aube, de Sept, puis de Temps Présent, il déplore en famille l'écrasement des républicains.


En 1934, il lit Mein Kampf en français et estime que la religion du sang menace notre civilisation. Il accueille les opposants allemands puis les expulsés juifs. Il combat les positions de La Croix de la Corrèze qui incite les jeunes à s'engager dans les ligues anti-démocratiques.
Sur le plan pratique, il trouve aux réfugiés des emplois, puis des abris, enfin des réseaux d'émigration.
En juin 1937, il crée le cercle Duguet pour diffuser la connaissance de la doctrine sociale de l'Eglise.
Là, dans l'été 1938, il dénonce les accords de Munich : abandonner Prague au désir d'hégémonie de M. Hitler équivaut à lui accorder Strasbourg, demain, et Périgueux, après-demain. Le second congrès des Amis de L'Aube fait naître les Nouvelles Equipes Françaises, en novembre 1938, pour refonder, en France, une démocratie efficace face au péril fasciste. La Résistance utilise rapidement ces chrétiens informés et convaincus. Dès le 17 juin 1940, le groupe de Brive refuse l'armistice. C'est L'Argent, de Péguy, qui sert à rédiger le premier tract distribué sur Brive :"Celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend".  Père de sept enfants, Michelet regarde vers l'Angleterre qu'il ne peut rejoindre. Dirigeant du Secours National de Brive et du groupement pétainiste des épiciers, il pensait être à l'abri. Il diffuse des journaux, mène des actions, rejoint Combat comme chef de la Région V sous le nom de Duval. Il accueille chez lui des résistants comme le père Maydieu, Henri Frenay, Berthie Albrecht, Pierre Brossolette. Dénoncé sans être démasqué, il est arrêté le 29 juin 1943[1], mis au secret à Fresnes, puis déporté. L'essentiel est raconté, dès 1955, dans un témoignage magnifique d'humanité et de sérénité, Rue de la Liberté. A Dachau, il fait partie du comité de libération du camp. Il représente les Français face aux Américains. C'est là qu'il apprend la diplomatie internationale. Là aussi qu'il tente de défendre tout homme parce qu'il est homme, qu'il soit français, espagnol ou polonais, communiste ou volontaire de la Légion SS Charlemagne. Désigné pour siéger à l'Assemblée constituante le 18 juillet 1945, il est élu député de la Corrèze[2] puis nommé ministre des Armées parce qu'il a su travailler avec les communistes et les militaires à Dachau.
En 1951[3], il choisit de Gaulle contre les démocrates-chrétiens conformistes et reprend son métier de courtier en épicerie. Élu sénateur de la Seine en 1953[4], il ne quittera plus la scène politique. Il est envoyé à l'ONU en 1954 et saisit l'évidence de la décolonisation à la session de décembre 1956 dans laquelle la France est mise en accusation. Après avoir soutenu l'égalité entre colons et autochtones dans le statut de l'Algérie de 1947 et bataillé en vain pour que les anciens combattants indigènes soient traités comme les autres, il est persuadé que tout homme a droit à une patrie et défend l'indépendance dans l'entourage de de Gaulle dès 1957.
Au pouvoir en 1958, le ministre des anciens combattants puis Garde des Sceaux met en actes l'une de ses devises "rétablir la circulation sur les ponts coupés" en laissant fuiter, par exemple, de son cabinet des rapports comme celui de Michel Rocard. Il impose la surveillance des commissariats et protège les prisonniers. Avec l'accord du général, il entame les premières négociations secrètes avec le FLN en mai 1959. Démissionnaire à plusieurs reprises, évincé en août 1961, il n'a plus de pouvoir sur les affaires algériennes dès janvier 1961. Bien qu'affaibli physiquement, le ministre de la Fonction publique, puis de la Culture, rassemble des réseaux pour préparer et accompagner les décisions qu'il estime justes.
Michelet est un constructeur de l'Europe. Dès 1940, il refusait de parler de boches et risquait sa vie pour sauver des Allemands poursuivis par Vichy. Après la victoire, il construit l'amitié européenne à travers des réseaux qui comprennent d'anciens déportés, des démocrates-chrétiens résistants et aussi d'anciens nazis. Sa conscience de la solidarité mondiale devient responsabilité des pays développés à l'égard du tiers-monde au début des années 1960 quand il prend contact avec frère Roger à Taizé pour former des cadres du développement pour le Brésil. Ainsi ce politique, catholique affirmé, mort à la tâche par esprit de service, persuadé que tout homme peut s'amender, a cultivé le refus de la vengeance. Il a lutté pour désarmer la haine. Chrétien cohérent, il a eu conscience d'une solidarité mondiale au-delà des blocs, d'un monde à aimer et à protéger. Autant de tâches qui marquent l'essence de l'action politique au service de tous et non d'une carrière.



Nicole Lemaitre persiste dans le déni. Son exposé dure 8 minutes. Elle consacre 20 secondes au passage d'Edmond Michelet au ministère de la Justice alors que c'est bien à ce ministère que la conjugaison d'éthique et de politique est la plus cruciale dans le parcours de l'ancien déporté de Dachau.
Evidemment rien sur la peine de mort (voir les articles précédents sur le sujet). Il faut dire qu'après la prise de position du pape actuel sur cette peine, cela ferait désordre de faire l'éloge d'un Garde des Sceaux qui l'a rétablie en matière politique et a prescrit qu'elle soit requise contre des officiers généraux, dont on peut ne pas approuver les actes, mais dont tout un chacun reconnaît, cinquante ans après, que les motifs de leur action étaient l'honneur et la fidélité.
A noter, les à peu près et les confusions de l'oratrice en ce qui concerne les dates citées, ce qui est regrettable de la part d'un professeur d'Université, fut-il émérite.
Très révélateur, l'emploi du terme "le général" sans préciser lequel. Evidemment De Gaulle. Cela fait penser aux pétainistes qui utilisent aussi l'expression "le maréchal" - même admiration sans réserve pour le "grand homme".
Nicole Lemaitre écrit aussi : "Il est persuadé que tout homme a droit à une patrie et défend l'indépendance (de l'Algérie) dans l'entourage de de Gaulle dès 1957".
Peut-être Edmond Michelet la défend-il dans les banlieues de Colombey, mais en public, rappelons juste ce qu'il dit dans son discours du 14 juillet 1958  à l'Hôtel de Ville de Paris devant 6000 musulmans, anciens combattants et jeunes, venus spécialement d'Algérie : « ...dont la présence affirmait qu'il n'y avait, d'un bord à l'autre de la Méditerranée, qu'une seule France retrouvée dans l'unité, une France libre, égale et fraternelle.» N’est-ce pas un exemple-type de double langage ? Est-ce très "éthique" ?


Elle écrit également : « .. il n'a plus de pouvoir sur les affaires algériennes dès janvier 1961. » Elle tente ainsi de lui enlever toute responsabilité à partir de cette date. Cette affirmation ne repose sur rien de sérieux. De plus, la responsabilité personnelle d'Edmond Michelet, elle, persiste.

Ajoutons que, membre du cabinet Debré, il ne cesse de prendre, en sous-main, des positions opposées à celles du Premier Ministre - qui était en droit d'attendre un minimum de loyauté de son ministre - en ce qui concerne la répression des porteurs de valises remplies d'armes ou d'argent à destination du FLN, l'ouverture d'informations contre les signataires de l'Appel des 121 à l'insoumission, etc.

"Il a cultivé le refus de la vengeance". Faux ! Pour qui a suivi dans le détail sa vie politique, aussi bien sous la 4e République que sous la 5e, Michelet a en véritable exécration un certain nombre d'hommes politiques : Herriot, Queuille, Soustelle, Poher...qui ont le malheur de ne pas (ou plus) être gaullistes. Quand il demande au procureur Reliquet de requérir 20 ans de détention criminelle contre le commandant de Saint-Marc, ancien déporté de Buchenwald, cultive-t-il le refus de la vengeance contre celui qui, refusant le déshonneur de l'abandon sanglant des populations d'Algérie, s'est élevé contre la politique du "monarque" de Michelet ? Quand il stigmatise le procureur général Besson, coupable de ne pas avoir requis la peine de mort contre Challe et Zeller, et les juges, coupables d'un verdict de quinze années de détention (seulement !), est-ce par amour du prochain?

Principales références :
Besson (Antonin), Le Mythe de la Justice, p.254, Plon, 1973
Tournoux (Jean-Raymond), Jamais dit, p.258-262, Plon 1971
Valade (Jean-Michel), Du putsch des généraux en avril 1961 à Alger à la prison de Tulle, in Archives en Limousin, n°28, 2006-2, p. 61-67
- Faivre (Maurice), Conflits d'autorité durant la guerre d'Algériep. 64-71, L'Harmattan, 2004





[1] Le 25 février 1943, selon son fils Claude dans son ouvrage "Mon père, Edmond Michelet"
[2] Il est désigné le 18 juillet 1945, en tant que déporté, pour siéger à l'Assemblée consultative provisoire. Il est élu député à l'Assemblée constituante, le 21 octobre 1945. 
[3] Edmond Michelet est exclu du MRP pour "gaullisme" le 19 novembre 1947. Le 24 juin 1949, il est nommé par le général de Gaulle  membre du conseil de direction du RPF.
[4] Le 18 mai 1952

mercredi 17 juin 2015

"Edmond Michelet, une résistance spirituelle"



C'est sous ce titre que Nicole Lemaître, professeur émérite d'histoire à l'université Paris-1 Panthéon Sorbonne et chargée de cours à l'Institut catholique de Paris, a publié un article dans le numéro 29 de juin 2015,  intitulé  "Résister", de la revue Inflexions.
Son comité de rédaction est ainsi composé : John Christopher Barry, Monique Castillo, Patrick Clervoy, Samy Cohen, Jean-Luc Cotard, Catherine Durandin, Benoît Durieux, Frédéric Gout, Michel Goya, Armel Huet, Haïm Korsia, François Lecointre, Thierry Marchand, Jean-Philippe Margueron, Hervé Pierre, Emmanuelle Rioux, François Scheer, Didier Sicard et Hervé Thiéblemont.
Toute à la démonstration de la sainteté d'Edmond Michelet - Nicole Lemaître a été la cheville ouvrière du dossier historique attaché à la cause de béatification du ministre de la Justice des années 1959 à 1961 - la brillante universitaire, auteur entre autres d'un Saint Pie V, en vient à oublier les règles de la méthode historique que l'on croyait intangibles.
A propos de l'entrée en résistance d'Edmond Michelet, elle "cite" des propos de celui-ci :


Parfait, il y a une référence, c'est un travail sérieux. Reportons-nous donc à cette référence, page 45 de  La Querelle de la Fidélité. Que lit-on ? On lit ceci :


 Quelle qualification retenir quand une "citation" est volontairement et profondément modifiée ? Est-ce une pratique courante dans l'Université ? Evidemment, cette modification - euphémisme - n'est pas le résultat d'une étourderie. Il s'agit d'éviter de troubler l'image irénique d'Edmond Michelet, candidat à la béatification : on verrait mal aujourd'hui l'Eglise béatifier un homme politique qui proclamerait qu'Hitler était un nouveau Mahomet.


Sur le procès des généraux Challe et Zeller, voici ce qu'écrit Nicole Lemaître :


 Nicole Lemaître ne retient dans son texte que ce qui va dans le sens d'une minimisation de la responsabilité d'Edmond Michelet dans la demande faite au procureur général Besson de requérir la peine de mort contre les généraux Challe et Zeller. Bien entendu, elle ne cite pas l'ordonnance 60-529 du 4 juin 1960, signée d'Edmond Michelet, ministre de la Justice, rétablissant la peine de mort en matière politique abolie depuis 1848, et dont l'article 99 autorise la réquisition de la peine de mort contre les deux généraux.
On la comprend. La cause d'un candidat à la béatification ayant signé une telle ordonnance et ayant exercé des pressions intenses sur le procureur Besson pour qu'il requière la peine de mort serait (et sera) mal accueillie à la Congrégation pour la cause des Saints, au Vatican. Pourquoi ? Tout simplement parce que Sa Sainteté le Pape François a condamné définitivement la peine capitale dans sa lettre du 20 mars 2015 à Federico Mayor, président de la Commission internationale contre la peine de mort :


(Extrait provenant du site Internet du Saint-Siège)


Examinons dans le détail le texte écrit par Nicole Lemaître.

Il demande la peine de mort dans une lettre du 30 mai 1961
Voici deux passages de la longue lettre signée d'Edmond Michelet et reçue par le procureur général Besson le 30 mai 1961, le deuxième jour du procès, donc la veille du jour où Antonin Besson va prononcer son réquisitoire (à noter qu'en lui annonçant l'envoi de cette lettre, André Holleaux, directeur de cabinet d'Edmond Michelet, lui a précisé qu'elle a reçu l'approbation du Premier ministre et du chef de l'Etat) :




 C'est clair : la peine de mort est explicitement réclamée.


Nous savons aujourd'hui qu'avant d'être envoyée, cette lettre a été travaillée avec Michel Debré et retouchée par le Général (de Gaulle) dans le sens de la sévérité.


La lettre a été travaillée avec Michel Debré. C'est la première fois que ceci est rapporté. Quelles références ? Si effectivement elle a été travaillée avec Michel Debré, cela signifie simplement qu'il y a une contribution de Michel Debré au texte d'Edmond Michelet.

et retouchée par le Général (de Gaulle) dans le sens de la sévérité.
Je pense avoir été le premier et peut-être le seul à avoir vu cette lettre, soumise au chef de l'Etat et retouchée par lui-même, aux Archives Nationales en 2011 et à avoir rapporté le fait.
Voici les trois phrases retouchées avant et après correction par le chef de l'Etat :
… La sédition impliquait à ses yeux (ceux d'André Zeller), en cas de succès, le renversement du Gouvernement (des Institutions) et l’inauguration d’une politique nouvelle, sans doute dans de nombreux domaines…
… Il est clair pour l’un et l’autre que le châtiment suprême semblerait devoir être normalement (doit normalement être) réclamé…
…Je voudrais vous rendre attentif, Monsieur le Procureur général, à la nécessité pour vous de réclamer des peines sévères (les peines les plus sévères)…

Le reste de la lettre n'a pas été retouché et contient en particulier les phrases y figurant auparavant :
 - Le code est formel, il prévoit la peine de mort, on n'aperçoit pas quelles circonstances atténuantes…
-   Si la peine de mort n'est pas réclamée cette fois…

Avec ou sans retouches, c'est bien la peine de mort qu'Edmond Michelet demande à Antonin Besson de requérir.
Quelles que soient les contributions respectives d'Edmond Michelet, de Michel Debré, de Charles de Gaulle ou de membres du Secrétariat à la Présidence de la République, la lettre est signée Michelet et en la signant, il en assume la responsabilité.

Pour qui aurait des doutes sur la position d'Edmond Michelet, il suffit de consulter l'étude faite par Jean-Michel Valade, intitulée "Du putsch des généraux d'Alger, en avril 1961, à la prison de Tulle" et publiée dans le n°28 de la revue Archives en Limousin :






Le Garde des Sceaux évoque donc "le détestable réquisitoire du procureur général (détention criminelle à perpétuité, NdR) et le scandaleux verdict du Haut Tribunal militaire (quinze années, NdR)


Mais sa  dernière phrase laisse en fait le choix ouvert au procureur

La dernière phrase de la lettre est celle-ci :


 Nicole Lemaître en tire la conclusion que le choix est laissé ouvert au procureur. Le choix est toujours laissé ouvert au procureur :"La plume est serve mais la parole est libre". La conclusion de la lettre est - c'est l'interprétation la plus logique - une ultime tentative d'Edmond Michelet de convaincre Antonin Besson de requérir la peine de mort, car ce dernier a, dès les premiers entretiens avec les ministres, fait savoir qu'il ne la requerrait pas à l'encontre des généraux Challe et Zeller.

Besson subit les pressions de Frey (Intérieur), Messmer (Armées) et Michelet (Justice)

Voici comment Antonin Besson les rapporte :





 Une pression de la part d'Edmond Michelet qui consiste à continuer la désintégration de la personnalité d'Antonin Besson…


Mais en le raccompagnant, Michelet lui dit qu'il est de cœur avec lui27
27 Jean-Raymond Tournoux, Jamais dit, Paris, Plon, pp. 258-262

Allons voir l'ouvrage indiqué en référence (en fait à la page 263). Voici l'extrait correspondant :



Antonin Besson se pose la question des sentiments réels d'Edmond Michelet; quel Michelet croire ? Celui qui vous dit qu'il est de cœur avec vous ou celui qui envoie une lettre quasi-comminatoire demandant que la peine de mort soit requise ? Nicole Lemaître a tranché : Michelet est de cœur avec Antonin Besson. Sur quelle base peut-elle affirmer ceci ? Antonin Besson lui-même ne comprend pas l'attitude du Garde des Sceaux et semble pencher pour un double langage de la part de celui-ci.
L'explication de la position de Nicole Lemaître est, semble-t-il, la même : un Michelet demandant la peine de mort ne fait pas un bon candidat à la béatification… 


Quelle conclusion tirer de l'analyse de ce texte de Nicole Lemaître ?
1) Elle a délibérément modifié le texte d'une citation d'Edmond Michelet.
2) Elle a systématiquement tenté de minimiser la responsabilité d'Edmond Michelet dans la demande qu'il a faite au procureur général Besson de requérir la peine de mort pour les généraux Challe et Zeller, ceci en omettant de citer des faits antérieurs (rétablissement de la peine de mort en matière politique), en omettant d'expliciter les pressions exercées sur le procureur Besson (entreprise de désintégration de sa personnalité) et en sélectionnant dans les mémoires de ce dernier uniquement l'extrait qui va dans le sens d'une dilution de la responsabilité de Michelet (Michelet lui dit qu'il est de cœur avec lui). Le travail de Jean Valade, fondé sur les archives du Centre d'Etudes Edmond Michelet de Brive qu'elle connait parfaitement :  connais pas.


Il est vraiment désolant qu'un ancien professeur des Universités se laisse aller à ce genre d'écart. Cette façon de travailler jette un doute sérieux sur l'impartialité et la rigueur ayant présidé à la constitution du dossier historique attaché à la cause de béatification d'Edmond Michelet.

mercredi 15 avril 2015

Edmond Michelet et l'Eglise. Etudes réunies par Nicole Lemaitre

Edmond Michelet et l'Eglise
Sous ce titre s'est tenu les 28, 29 et 30 septembre 2012 à Aubazine, en Corrèze, un colloque organisé par la commission historique nommée par Mgr Charrier dans le cadre de la cause Edmond Michelet, commission composée d'Yves-Marie Hilaire, de Jean-Marie Mayeur, de Philippe Boutry, d'Hélène Say,  Nicole Lemaitre, de Nicolas Risso et de Jean-Marc Ticchi.  Depuis cette date, Jean-Marie Mayeur et Yves-Marie Hilaire sont décédés.
Nicole Lemaitre a publié en janvier 2015, aux Editions "Artois Presse Université", un ouvrage reprenant le titre du colloque et sous-titré "Etudes réunies par Nicole Lemaitre". En quatrième de couverture, il est noté : "Actes du colloque d'Aubazine".
Dans le présent blog, figure à la date du 21 octobre 2012 une recension de ce colloque, fondée sur les notes prises sur place lors des différents exposés. La publication de l'ouvrage de Nicole Lemaitre autorise à revenir sur ce colloque dans la mesure où certains des textes réunis vont largement au-delà des exposés oraux d'alors.

C'est en particulier le cas du texte rédigé par Jacques Prévotat "Edmond Michelet et les évêques", de loin le plus intéressant de l’ensemble car écrit par un vrai historien. Alors qu'au colloque, la question de l'article virulent de Michelet, publié en mars 1969 dans l'hebdomadaire Carrefour et dénonçant "la marxisation des évêques de France", n'avait été abordée - en surface - que grâce à la question d'un auditeur – votre serviteur, le texte de Jacques Prévotat développe ce point et note que l'adresse aux évêques a suscité dans l'épiscopat, sauf une exception, irritation (Cardinal Lefebvre, président de la conférence épiscopale française) et désapprobation (Mgrs Riobé, Barthe, Marty, Maurice, Streiff). (voir le texte de l'article in fine).
A noter également dans ce texte, la citation d'un extrait de la prière dite par Edmond Michelet à Notre-Dame lors de la veillée de prières pour la paix en Algérie du 18 décembre 1960, veillée à laquelle François Mauriac et Georges Bidault ont également participé : « Sous ces voûtes de pierre qui virent s'élever, au printemps de notre patrie, les yeux du roi Louis (IX), votre confesseur, monarque pacifique qui sut, dans la justice, mettre un terme à une guerre fratricide, nous vous prions, Seigneur, pour que la France reste fidèle à sa vocation séculaire, nous qui croyons aussi "que vous l'avez créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires". » La dernière partie de cet extrait reprend, mot pour mot, l’expression utilisée par Charles de Gaulle au tout début de ses « Mémoires de Guerre ». Jacques Prévotat note : « Sa prière associe foi ardente, vocation chrétienne de la France, profession de foi patriotique gaullienne ».  Dit d’une autre manière, Edmond Michelet confond son gaullisme et sa foi chrétienne et tend aussi à confondre De Gaulle et Saint Louis, dans la mesure où il assimile la politique du général de Gaulle vis-à-vis des chefs du F.L.N. à la politique de Saint Louis vis-à-vis du roi d’Angleterre. Il le dira explicitement le 5 janvier 1961 dans un discours à Poissy : « Je conseille ici, à certains scrupuleux, de se rapporter au geste audacieux et hautement politique par lequel Louis IX sut, en son temps, finir une guerre que son armée avait gagnée sur le terrain. Saint Louis, dont le rayonnement fut l’orgueil de notre patrie, signa un accord comparable à bien des égards à celui qui suivra bientôt, il faut l’espérer, la fin des hostilités en Algérie ». Il oublie – simple détail – que De Gaulle a en face de lui le F.L.N. tandis que Saint Louis a en face de lui Henri III Plantagenêt, son beau-frère (ils avaient épousé deux sœurs, respectivement Marguerite et Eléonore de Provence).
Comment peut-on proposer des analogies aussi aberrantes et faire des analyses aussi erronées ? Seraient-elles purement intellectuelles qu’elles ne porteraient pas à conséquence. Mais il s’agit d’un responsable politique, détenteur d’un ministère ultra-sensible, celui de la Justice. Edmond Michelet est dans une situation d’allégeance volontaire au chef de l’Etat qui lui fait échafauder des raisonnements et des analogies totalement artificiels dans le but de justifier la politique de celui-ci, dont on connaît les résultats sanglants en Algérie.

Autre point intéressant, non abordé lors du colloque, la position d’Edmond Michelet vis-à-vis de l’Encyclique « Humanae Vitae ». Il apprécie la « Note pastorale » des évêques de France du 8 novembre 1968 adhérant – contrairement à nombres d’épiscopats européens – à  l’Encyclique Humanae Vitae, la jugeant « équilibrée, pondérée, humaine, respectueuse du "mystère" de l’amour ».
Que n’a-t-il protesté publiquement ou démissionné lorsque, le 7 juin 1967, le conseil des ministres dont il faisait partie a approuvé la proposition de loi de Lucien Neuwirth sur la « prophylaxie anticonceptionnelle » ? Cette loi est votée le 19 décembre 1967 et promulguée le 29 décembre. Elle est contraire à l’enseignement permanent de l’Eglise sur la contraception artificielle, enseignement repris et développé précisément dans l’Encyclique Humanae Vitae.  Les contradictions entre paroles et actes d’Edmond Michelet trouvent, là encore, leur origine dans son allégeance complète au chef de l’Etat.

Que dire des autres textes ?
Celui de Pascal Bousseyroux et Nicole Lemaitre, intitulé « Les prêtres en contact avec Michelet », est purement descriptif. Il se caractérise par une succession de noms de prêtres en relation avec Edmond Michelet, depuis les prêtres d’avant la première guerre jusqu’à ceux de la fin de sa vie. Quelques figures s’en dégagent : l’abbé Alvitre, curé de Saint Sernin de Brive ; l’abbé Sigala, résistant en Dordogne et déporté comme Michelet à Dachau; l’abbé Franz Stock, aumônier de la prison de Fresnes, bien sûr ; l’abbé Francis Delissalde, un prêtre pas banal qui, entre autres, a été aumônier de la Marine en Indochine.
Un détail qui n’en est pas un : Il est écrit, à propos de Dachau : « Sur 7000 "sorciers du ciel", issus de 28 nations et enfermés dans le block 26, 5000 vont disparaître ». Un ouvrage récent, "La Baraque des Prêtres, Dachau 1938-1945", de mon fils Guillaume Zeller, publié en janvier 2015 chez Tallandier, fait état de 2720 prêtres, religieux et séminaristes détenus dans les blocks 28 et 30 auxquels s’ajoute en 1941 le block 26. Sur ce total, 1034 y ont laissé la vie.
Les nombres cités par Pascal Bousseyroux et Nicole Lemaitre correspondent sensiblement à l’ensemble des prêtres déportés dans la totalité des camps de concentration ouverts par le régime national-socialiste ; il est regrettable de rencontrer une telle inexactitude dans une communication élaborée par deux universitaires.

Hélène Say aborde le sujet « Les conseillers d’Edmond Michelet » en commençant par : « Il n’y a pas de rupture entre Michelet homme politique, Michelet chrétien engagé et catholique pratiquant. »  On en cherche la démonstration. Peut-être cette non rupture existe-t-elle jusqu’en 1945 ? Ce qui frappe dans la vie publique d’Edmond Michelet après 1945, période très peu analysée par Hélène Say, c’est justement le fossé qui sépare ses déclarations, ses professions de foi affichées et ses prières en public de ses actes dans le cadre de ses responsabilités ministérielles, en particulier au ministère de la Justice.
Une page entière est consacrée aux relations avec Paul Touvier. Seulement Hélène Say ne mentionne pas un fait important : l’entretien accordé par Edmond Michelet à Touvier le 19 mai 1970 en son domicile de Brive. Tout ce qui pourrait écorner l’image d’Edmond Michelet est soigneusement gommé.
Hélène Say considère que Michelet, dans son action politique, s’est élevé au rang de « témoin du Christ ». Et elle conclut : « Ainsi …… devient-il pour son entourage religieux un modèle du chrétien en politique, et pour la hiérarchie catholique une sorte de héros. »
On est complètement dans les nuages ! Tout cela n’est que tourbillon de paroles. Aucune analyse des actes, en particulier en tant que ministre de la Justice.   

Nicolas Risso, curé d’Objat en Corrèze, s’intéresse aux « sources de la spiritualité d’Edmond Michelet ». On reconnaît immédiatement un texte de Nicolas Risso à la façon qu’il a de rendre naturellement inintelligible ce qui est simple ; exemple : « Les traces d’une spiritualité se trouvent bien dans la contingence historique, dans l’œuvre du temps, et ces traces sont l’écho de l’intime relation qui lie le croyant et son Dieu. » Que veut-il dire ? Est-ce simple ou est-ce si subtil que c’en est incompréhensible pour 99% du lectorat ?
« Michelet découvre avec son père une certaine forme d’approche de la réalité qui le rattachera plus tard à une vision sapientielle de celle-ci. »
A propos de la spiritualité conjugale d’Edmond Michelet et de son épouse : « Leur vie conjugale est irriguée par la prière – jusqu’ici tout va bien. Cette prière n’est pas une simple sublimation d’une absence mais bien l’ouverture au désir dès les premières absences, c’est-à-dire dès le départ en Allemagne, le 28 mars 1921, jusqu’à la mort de Michelet en 1970, autrement dit quarante –neuf ans de désir au creux d’une présence marquée par l’absence. » Qu’est-ce que ce charabia ?  Et pour finir : « Nous avons là un homme ordinaire dont l’ambition finalement est tout simplement d’être un homme, un homme qui habite son existence. »
N’a-t-on pas affaire à un pédant faisant étalage intempestif d’un savoir mal assimilé ? Autrement dit, un cuistre ?

Pascal Bousseyroux traite le thème : « Edmond Michelet et la formation de chrétiens conscients ».
On y apprend incidemment qu’Edmond Michelet a continué à cotiser à l’Action Française jusqu’en 1928 alors que la condamnation de celle-ci par le pape Pie XI date de décembre 1926 et que les adhérents de l’Action Française sont interdits de sacrements à partir du 8 mars 1927.
Il serait intéressant de savoir quelle a été l’attitude d’Edmond Michelet après cette date. Ayant réglé sa cotisation de 1927 et de 1928 à L’Action Française, il en était adhérent. S’est-il approché des sacrements durant cette période, ce qui l’aurait mis en infraction avec l’interdiction édictée en mars 1927 ? Ou bien, en tant que membre de L’Action Francaise, s’en est-il abstenu et jusqu’à quelle date ?

Pascal Bousseyroux intitule un chapitre : « L’homme politique, sentinelle des valeurs chrétiennes ». A la lecture de ce chapitre, on comprend que Michelet a beaucoup parlé des valeurs chrétiennes mais que tout cela reste verbal. Et ses « valeurs chrétiennes » se confondent avec son gaullisme sans qu’on sache très bien ce qui l’emporte.

Un point à noter à propos de la loi Neuwirth autorisant la production et la commercialisation de pilules anticonceptionnelles. On sait que, lors du tour de table au conseil des ministres du 7 juin 1967, Edmond Michelet avait fait part de son opposition à la proposition de loi de Neuwirth, dont, en fin de séance, le chef de l’Etat avait dit qu’il l’approuvait et qu’il fallait la faire voter par le Parlement. Peu après cette réunion du conseil, Michelet reçoit une lettre de Charles Reverdy, président de la confédération nationale des associations familiales catholiques, qui lui fait part de ses extrêmes réserves vis-à-vis de cette proposition de loi. Dans sa réponse datée du 15 juin 1967, Edmond Michelet écrit : « Personnellement je partage les sentiments sur les problèmes que vous soulevez. Vous n’ignorez cependant pas qu’une très large majorité de catholiques a fait une confiance totale à l’homme politique qui a lancé l’idée de la proposition de loi en question. »
Quelle interprétation donner à ces lignes ? L’homme politique est Lucien Neuwirth. Comment Edmond Michelet peut-il affirmer « qu’une très large majorité de catholiques a fait une confiance totale à l’homme politique qui a lancé l’idée de la proposition de loi en question » ? Et surtout, alors que le Magistère de l’Eglise est très clair dans son opposition aux méthodes artificielles de contraception, Edmond Michelet – qui se proclamera fidèle au pape Paul VI dans une lettre cosignée avec François Mauriac, Etienne Gilson et treize autres personnalités et publiée dans Le Monde du 18 décembre 1968 – se réfugie derrière une prétendue acceptation par les catholiques de la loi ouvrant la voie à la commercialisation de la pilule, pour ne rien faire, ne pas faire part ouvertement de son opposition à cette loi et ne pas démissionner du gouvernement qui a donné son accord au vote de cette loi. 

Intéressant également, le passage sur Edmond Michelet et l’Islam : On y apprend qu’Edmond Michelet participe au comité d’entente France-Islam depuis 1947. Il y côtoie Louis Massignon. En juillet 1959, ministre des anciens combattants, il participe à la cérémonie en l’honneur des sept saints dormants d’Ephèse, cérémonie associant des musulmans qui lisent la sourate coranique sur la légende de ces sept saints. Quelques mois plus tard, lors d’un hommage à Charles de Foucauld, il salue chaleureusement la présence de Hamza Al-Sid Boubakeur, député des Oasis (et non député d’Alger comme indiqué inexactement dans le texte).
Comment aurait réagi ses amis du comité d’entente France-Islam et les musulmans qu’il a côtoyés à cette phrase d’Edmond Michelet rappelant son état d’esprit de 1939 à propos du national-socialisme et de Hitler : « Je me refusais à l’instauration d’une civilisation, disons aujourd’hui, pire que l’Islam ; nous étions en présence d’un nouveau Mahomet » ?
Encore un exemple du double langage d’Edmond Michelet.


Pour finir, Jean-Dominique Durand et Nicole Lemaître traitent du sujet : « Edmond Michelet et l’œcuménisme », un thème pour ainsi dire non traité jusqu’alors. En 1962, Edmond Michelet devient président de l’I.C.L. (International Christian Leadership), organisme rassemblant catholiques et protestants qu’il avait découvert aux Etats-Unis en 1954. La branche française en sera le Mouvement International de Responsables Chrétiens (M.I.R.C.) qui accueillera également des orthodoxes. Le M.I.R.C. aurait contribué au rapprochement de la France et de l’Allemagne, à la compréhension entre pays du Benelux, à des rencontres fécondes entre la France et l’Angleterre.
Dans le cadre de l’I.C.L., une conférence mondiale est organisée à Noordwijk sur le thème « Vivre en conflit ». Les auteurs de l’article y introduisent artificiellement quelques lignes, d’ailleurs peu claires, sur l’attitude d’Edmond Michelet à la fin du conflit algérien : « Nous reviendrons dans un autre contexte sur le rôle d’E. Michelet dans les négociations en Algérie, parce qu’il joue d’abord son rôle d’homme d’Etat, spécialement dans l’association France-Algérie qui lui tient particulièrement à cœur ; mais c’est justement à cette occasion qu’apparaît le mieux cette fonction qui consiste à « désarmer la haine », qu’il avait à l’évidence apprise de l’expérience concentrationnaire et qui l’a amené, plusieurs mois avant l’indépendance, à nouer des contacts avec les dignitaires algériens. »
Une remarque sur les "dignitaires algériens" : qualifier de dignitaires les chefs du F.L.N. dont Edmond Michelet écrivait en juin 1957 « ils masquent une frénésie raciste analogue à celle que Hitler voulait imposer au monde, en utilisant des moyens identiques aux siens » est difficilement compréhensible. De quelle dignité s’agit-il ?
Comment, selon Nicole Lemaitre et/ou Jean-Dominique Durand, l’expérience concentrationnaire a-t-elle pu  amener Michelet à nouer des contacts avec des gens qu’il compare aux nazis ? Qui peut comprendre cela ?







Michelet  - Carrefour Mars 1969
Un appel d'Edmond Michelet aux Evêques français

Ainsi donc, Messeigneurs - pardon, Pères, puisque c'est ainsi que vous entendez être interpellés en attendant le jour proche où il faudra sans doute vous donner du Camarade - ainsi donc vous venez nous informer de votre dernière découverte.
« L'unité des chrétiens est mise à rude épreuve », selon vous, parce que d'une part l'annonce de l'Evangile aux travailleurs est pour l'Eglise de France un impératif urgent et que, d'autre part, « les communautés chrétiennes souffrent d'être remises en cause de manière quelquefois brutale par les chrétiens les plus représentatifs du monde ouvrier ou par des prêtres en communion avec eux ».
Il faut en convenir, mes Pères, notre unité est effectivement mise à rude épreuve.
C'en est une, par exemple, pour le laïc indigne qui formule ces réflexions que de découvrir qu'en mai 1968 « ce qui avait été pendant quelques jours la grande espérance du monde ouvrier… s'est brusquement transformé en une douloureuse déception ».
Et pourquoi donc, grands dieux ? Mais tout bonnement, s'il fallait vous en croire, parce que l’affreux Théodose qui chez nous exerce scandaleusement les fonctions de chef d’Etat sous le nom de Charles de Gaulle a prononcé le 30 mai un discours qui a ruiné cette espérance du monde ouvrier de voir «  le changement profond de sa situation ». Et voilà pourquoi, concluez-vous, nous « ressentons aujourd’hui, mais sous une forme accrue, le mécontentement d’avant mai 1968 ».
Et vous ajoutez gravement : « Il y a des signes qui semblent indiquer qu’une nouvelle crise serait plus violente ».
Ah ! mes Pères, ne me tenez pas rigueur de vous parler avec la franchise d’un fils qui se fait une si haute idée de la notion d’autorité qu’une image se présente à lui devant votre déconcertante attitude : celle du manteau de Noé qui lui avait déjà servi, naguère, pour se mettre en paix avec sa conscience.
C’était, faut-il vous le rappeler ?, lorsque, à la quasi-unanimité de certains d’entre vous ou de vos prédécesseurs immédiats, vous vouliez nous convaincre qu’en présence du totalitarisme nazi, il fallait nous résigner à la collaboration.
Ne vous est-il jamais venu à l’esprit que les premières manifestations de désobéissance chez certains de vos jeunes prêtres et de vos laïcs sont venues alors de leur refus de vous suivre dans une prise de position dont ils discernaient, dès ce moment, les redoutables conséquences ?
Ces conséquences, nous y voici.
Au scandale dénoncé par le grand Pie X, celui d’une église du XIXe siècle passant sans s’arrêter, comme le lévite de l’Evangile, devant les victimes d’un capitalisme alors monstrueusement inhumain, est en train de s’ajouter, si nous n’y prenons garde, en cette fin de notre XXe siècle, un autre scandale, , celui que serait, par complexe de culpabilité, le ralliement implicite aux thèses d’un autre totalitarisme qui prétend, comme l’autre, répondre par la violence et par la haine au problème posé par ce qu’il appelle la lutte des classes.
Ainsi donc, mes pères, dîtes-nous le carrément : vieille lune que la doctrine sociale de l’Eglise, comme ne le cessent de le proclamer vos « chrétiens les  plus représentatifs du monde ouvrier » ?
Pêcheurs de lunes, par conséquent, tous ces pontifes qui de Léon XIII à Paul VI, tout comme de Gaulle, proposent la participation pour répondre à la légitime attente des travailleurs ?
Vieille lune, pour tout dire, quiconque se refuse à considérer Marx ou Freud comme de nouveaux docteurs de l’Eglise.
Et pour finir, vieille lune sans aucun doute, ayant le plus urgent besoin d’être démythifié, le refoulé qui, en ce dimanche de Laetare, se prend à espérer encore, à espérer toujours, comme jadis pendant votre terrifiant silence dans son camp de concentration.
Ah ! Oui ! Mes Pères, rude, rude épreuve…





mardi 17 mars 2015

Edmond Michelet = Saint Louis

Michel Cool publie chez Salvator un nouvel ouvrage intitulé "La Nouvelle Légende Dorée" et sous-titré "52 saints pour aujourd'hui". En référence à "La Légende Dorée" de Jacques de Voragine, dominicain, qui au XIIIe siècle relata la vie de cent-cinquante-trois saints. 
Seulement, les 52 "saints" de Michel Cool ne sont pas (encore ?) des saints. Certains ne sont pas catholiques et certains, même, ne sont pas croyants. Et à côté de personnalités incontestables, figurent d'autres beaucoup plus contestables. Son ouvrage est de la même veine que ceux de Jean Peyrade, "Figures catholiques du XXe siècle", et de Jérôme Cordelier, "Rebelles de Dieu". Ouvrages sympathiques par bien des côtés, mais tellement superficiels : quelques pages pour présenter une biographie, une personnalité et sa spiritualité, forcément schématiques. Une originalité pour l'ouvrage de Cool, il classe ses "saints" selon les béatitudes.

Michel Cool consacre quatre pages à Edmond Michelet qu'il enrôle sous "Heureux les doux : ils auront la terre en héritage". Il n'oublie aucun des poncifs relatifs à Edmond Michelet. Il y ajoute sa note et lui trouve même de nombreux points communs avec Saint Louis.        Michelet et Saint Louis ! 

Notons les erreurs factuelles : Edmond Michelet n'a pas démissionné du ministère de la Justice en août 1961; De Gaulle a tranché entre Michel Debré et lui et a choisi Debré. Michelet en a été hors de lui : "Debré a eu ma peau", confie-t-il à Louis Terrenoire. 
Cool écrit : "Il proteste à l'époque contre la répression organisée par Maurice Papon, le préfet de Paris, contre les partisans de l'indépendance algérienne qui manifestent dans les rues de la capitale." Il n'y a pas eu de manifestations pour l'indépendance de l'Algérie dans les rues de Paris quand Michelet était ministre de la Justice. La manifestation organisée par le FLN algérien dans Paris (qui donne lieu à une désinformation extravagante) date du 17 octobre 1961. Et Papon n'est pas préfet de Paris, mais préfet de police de Paris.
Mais ce qui frappe, ce sont les omissions. Comme toujours quand il s'agit d'hagiographes d'Edmond Michelet. 
Rien sur le rétablissement de la peine de mort en matière politique abolie depuis 1848. 
Rien sur la peine de mort réclamée contre les généraux Challe et Zeller. Rien sur sa hargne contre les partisans de l'Algérie française et contre ses anciens camarades du gaullisme, Jacques Soustelle et Louis Vallon, ou de la démocratie chrétienne, Georges Bidault et Alain Poher. 
Rien sur son silence lors du massacre des harkis alors qu'il préside France-Algérie. 
Il reste dans le gouvernement qui approuve en 1967 la loi Neuwirth sur la "prophylaxie anticonceptionnelle" contraire à l'enseignement constant du Magistère de l'Eglise.
Voilà le "saint", le "doux" que Michel Cool propose à notre dévotion. On reste ébahi par la mythologie bâtie autour d'un homme qui, il est évident, avait une foi profonde mais qui, dans sa vie publique d'homme politique, ne se différenciait nullement de ses collègues députés, sénateurs ou ministres. Rien ne vient étayer le fait qu'il y ait agi "en chrétien".
Il faut dire que la bibliographie citée par Michel Cool ne brille pas par sa diversité : trois ouvrages écrits par des membres de la famille Michelet. Rue de la Liberté d'Edmond Michelet, Prier à Rocamadour avec Edmond Michelet de Denis Rey (son petit-fils), A la recherche d'Edmond Michelet d'Agnès Brot (sa petite-fille).

Souhaitons que les autres personnalités retenues par Michel Cool pour son ouvrage soient traitées avec plus de rigueur historique que Michelet !