Edmond Michelet et l'Eglise
Sous ce
titre s'est tenu les 28, 29 et 30 septembre 2012 à Aubazine, en Corrèze, un
colloque organisé par la commission historique nommée par Mgr Charrier dans le
cadre de la cause Edmond Michelet, commission composée d'Yves-Marie Hilaire, de
Jean-Marie Mayeur, de Philippe Boutry, d'Hélène Say, Nicole Lemaitre, de Nicolas Risso et de
Jean-Marc Ticchi. Depuis cette date,
Jean-Marie Mayeur et Yves-Marie Hilaire sont décédés.
Nicole Lemaitre a publié en janvier 2015, aux
Editions "Artois Presse Université", un ouvrage reprenant le titre du
colloque et sous-titré "Etudes réunies par Nicole Lemaitre". En
quatrième de couverture, il est noté : "Actes du colloque
d'Aubazine".
Dans le présent
blog, figure à la date du 21 octobre 2012 une recension de ce colloque, fondée
sur les notes prises sur place lors des différents exposés. La publication de
l'ouvrage de Nicole Lemaitre autorise à revenir sur ce colloque dans la mesure
où certains des textes réunis vont largement au-delà des exposés oraux d'alors.
C'est en
particulier le cas du texte rédigé par Jacques
Prévotat "Edmond Michelet et les
évêques", de loin le plus intéressant de l’ensemble car écrit par un
vrai historien. Alors qu'au colloque, la question de l'article virulent de
Michelet, publié en mars 1969 dans l'hebdomadaire Carrefour et dénonçant
"la marxisation des évêques de France", n'avait été abordée - en
surface - que grâce à la question d'un auditeur – votre serviteur, le texte de
Jacques Prévotat développe ce point et note que l'adresse aux évêques a suscité
dans l'épiscopat, sauf une exception, irritation (Cardinal Lefebvre, président
de la conférence épiscopale française) et désapprobation (Mgrs Riobé, Barthe,
Marty, Maurice, Streiff). (voir le texte de l'article in fine).
A noter
également dans ce texte, la citation d'un extrait de la prière dite par Edmond
Michelet à Notre-Dame lors de la veillée de prières pour la paix en Algérie du
18 décembre 1960, veillée à laquelle François Mauriac et Georges Bidault ont
également participé : « Sous ces
voûtes de pierre qui virent s'élever, au printemps de notre patrie, les yeux du
roi Louis (IX), votre confesseur, monarque pacifique qui sut, dans la justice,
mettre un terme à une guerre fratricide, nous vous prions, Seigneur, pour que
la France reste fidèle à sa vocation séculaire, nous qui croyons aussi
"que vous l'avez créée pour des succès achevés ou des malheurs
exemplaires". » La dernière partie de cet extrait reprend, mot
pour mot, l’expression utilisée par Charles de Gaulle au tout début de ses
« Mémoires de Guerre ». Jacques Prévotat note : « Sa prière
associe foi ardente, vocation chrétienne de la France, profession de foi
patriotique gaullienne ». Dit d’une autre manière, Edmond Michelet
confond son gaullisme et sa foi chrétienne et tend aussi à confondre De Gaulle
et Saint Louis, dans la mesure où il assimile la politique du général de Gaulle
vis-à-vis des chefs du F.L.N. à la politique de Saint Louis vis-à-vis du roi
d’Angleterre. Il le dira explicitement le 5 janvier 1961 dans un discours à
Poissy : « Je conseille ici, à
certains scrupuleux, de se rapporter au geste audacieux et hautement politique
par lequel Louis IX sut, en son temps, finir une guerre que son armée avait
gagnée sur le terrain. Saint Louis, dont le rayonnement fut l’orgueil de notre
patrie, signa un accord comparable à bien des égards à celui qui suivra
bientôt, il faut l’espérer, la fin des hostilités en Algérie ». Il oublie
– simple détail – que De Gaulle a en face de lui le F.L.N. tandis que Saint
Louis a en face de lui Henri III Plantagenêt, son beau-frère (ils avaient
épousé deux sœurs, respectivement Marguerite et Eléonore de Provence).
Comment peut-on
proposer des analogies aussi aberrantes et faire des analyses aussi
erronées ? Seraient-elles purement intellectuelles qu’elles ne porteraient
pas à conséquence. Mais il s’agit d’un responsable politique, détenteur d’un
ministère ultra-sensible, celui de la Justice. Edmond Michelet est dans une situation
d’allégeance volontaire au chef de l’Etat qui lui fait échafauder des
raisonnements et des analogies totalement artificiels dans le but de justifier
la politique de celui-ci, dont on connaît les résultats sanglants en Algérie.
Autre point
intéressant, non abordé lors du colloque, la position d’Edmond Michelet
vis-à-vis de l’Encyclique « Humanae Vitae ». Il apprécie la
« Note pastorale » des évêques de France du 8 novembre 1968 adhérant
– contrairement à nombres d’épiscopats européens – à l’Encyclique Humanae Vitae, la jugeant
« équilibrée, pondérée, humaine, respectueuse du "mystère" de
l’amour ».
Que n’a-t-il
protesté publiquement ou démissionné lorsque, le 7 juin 1967, le conseil des
ministres dont il faisait partie a approuvé la proposition de loi de Lucien
Neuwirth sur la « prophylaxie anticonceptionnelle » ? Cette loi
est votée le 19 décembre 1967 et promulguée le 29 décembre. Elle est contraire
à l’enseignement permanent de l’Eglise sur la contraception artificielle,
enseignement repris et développé précisément dans l’Encyclique Humanae Vitae. Les contradictions entre paroles et actes
d’Edmond Michelet trouvent, là encore, leur origine dans son allégeance
complète au chef de l’Etat.
Que dire des
autres textes ?
Celui de Pascal Bousseyroux et Nicole Lemaitre, intitulé « Les
prêtres en contact avec Michelet », est purement descriptif. Il se
caractérise par une succession de noms de prêtres en relation avec Edmond
Michelet, depuis les prêtres d’avant la première guerre jusqu’à ceux de la fin
de sa vie. Quelques figures s’en dégagent : l’abbé Alvitre, curé de Saint
Sernin de Brive ; l’abbé Sigala, résistant en Dordogne et déporté
comme Michelet à Dachau; l’abbé Franz Stock, aumônier de la prison de Fresnes,
bien sûr ; l’abbé Francis Delissalde, un prêtre pas banal qui, entre
autres, a été aumônier de la Marine en Indochine.
Un détail
qui n’en est pas un : Il est écrit, à propos de Dachau : « Sur
7000 "sorciers du ciel", issus de 28 nations et enfermés dans le
block 26, 5000 vont disparaître ». Un ouvrage récent, "La Baraque des
Prêtres, Dachau 1938-1945", de mon fils Guillaume Zeller, publié en
janvier 2015 chez Tallandier, fait état de 2720 prêtres, religieux et
séminaristes détenus dans les blocks 28 et 30 auxquels s’ajoute en 1941 le
block 26. Sur ce total, 1034 y ont laissé la vie.
Les nombres
cités par Pascal Bousseyroux et Nicole Lemaitre correspondent sensiblement à
l’ensemble des prêtres déportés dans la totalité des camps de concentration
ouverts par le régime national-socialiste ; il est regrettable de
rencontrer une telle inexactitude dans une communication élaborée par deux
universitaires.
Hélène Say aborde le sujet « Les
conseillers d’Edmond Michelet » en commençant par : « Il n’y a pas de rupture entre Michelet homme
politique, Michelet chrétien engagé et catholique pratiquant. » On en cherche la démonstration. Peut-être
cette non rupture existe-t-elle jusqu’en 1945 ? Ce qui frappe dans la vie
publique d’Edmond Michelet après 1945, période très peu analysée par Hélène
Say, c’est justement le fossé qui sépare ses déclarations, ses professions de
foi affichées et ses prières en public de ses actes dans le cadre de ses
responsabilités ministérielles, en particulier au ministère de la Justice.
Une page
entière est consacrée aux relations avec Paul Touvier. Seulement Hélène Say ne
mentionne pas un fait important : l’entretien accordé par Edmond Michelet
à Touvier le 19 mai 1970 en son domicile de Brive. Tout ce qui pourrait écorner
l’image d’Edmond Michelet est soigneusement gommé.
Hélène Say
considère que Michelet, dans son action politique, s’est élevé au rang de
« témoin du Christ ». Et
elle conclut : « Ainsi …… devient-il
pour son entourage religieux un modèle du chrétien en politique, et pour la hiérarchie
catholique une sorte de héros. »
On est
complètement dans les nuages ! Tout cela n’est que tourbillon de paroles.
Aucune analyse des actes, en particulier en tant que ministre de la Justice.
Nicolas Risso, curé d’Objat en Corrèze, s’intéresse
aux « sources de la spiritualité d’Edmond Michelet ». On reconnaît
immédiatement un texte de Nicolas Risso à la façon qu’il a de rendre
naturellement inintelligible ce qui est simple ; exemple : « Les traces d’une spiritualité se trouvent
bien dans la contingence historique, dans l’œuvre du temps, et ces traces sont
l’écho de l’intime relation qui lie le croyant et son Dieu. » Que
veut-il dire ? Est-ce simple ou est-ce si subtil que c’en est incompréhensible
pour 99% du lectorat ?
« Michelet découvre avec son père une certaine
forme d’approche de la réalité qui le rattachera plus tard à une vision
sapientielle de celle-ci. »
A propos de
la spiritualité conjugale d’Edmond Michelet et de son épouse : « Leur vie conjugale est irriguée par la
prière – jusqu’ici tout va bien. Cette
prière n’est pas une simple sublimation d’une absence mais bien l’ouverture au
désir dès les premières absences, c’est-à-dire dès le départ en Allemagne, le
28 mars 1921, jusqu’à la mort de Michelet en 1970, autrement dit quarante –neuf
ans de désir au creux d’une présence marquée par l’absence. »
Qu’est-ce que ce charabia ? Et pour
finir : « Nous avons là un
homme ordinaire dont l’ambition finalement est tout simplement d’être un homme,
un homme qui habite son existence. »
N’a-t-on pas
affaire à un pédant faisant étalage intempestif d’un savoir mal assimilé ?
Autrement dit, un cuistre ?
Pascal Bousseyroux traite le thème : « Edmond
Michelet et la formation de chrétiens conscients ».
On y apprend
incidemment qu’Edmond Michelet a continué à cotiser à l’Action Française
jusqu’en 1928 alors que la condamnation de celle-ci par le pape Pie XI date de
décembre 1926 et que les adhérents de l’Action Française sont interdits de
sacrements à partir du 8 mars 1927.
Il serait
intéressant de savoir quelle a été l’attitude d’Edmond Michelet après cette
date. Ayant réglé sa cotisation de 1927 et de 1928 à L’Action Française, il en
était adhérent. S’est-il approché des sacrements durant cette période, ce
qui l’aurait mis en infraction avec l’interdiction édictée en mars 1927 ? Ou
bien, en tant que membre de L’Action Francaise, s’en est-il abstenu et
jusqu’à quelle date ?
Pascal
Bousseyroux intitule un chapitre : « L’homme politique, sentinelle
des valeurs chrétiennes ». A la lecture de ce chapitre, on comprend que
Michelet a beaucoup parlé des valeurs chrétiennes mais que tout cela reste
verbal. Et ses « valeurs chrétiennes » se confondent avec son
gaullisme sans qu’on sache très bien ce qui l’emporte.
Un point à
noter à propos de la loi Neuwirth autorisant la production et la commercialisation
de pilules anticonceptionnelles. On sait que, lors du tour de table au conseil
des ministres du 7 juin 1967, Edmond Michelet avait fait part de son opposition
à la proposition de loi de Neuwirth, dont, en fin de séance, le chef de l’Etat
avait dit qu’il l’approuvait et qu’il fallait la faire voter par le Parlement.
Peu après cette réunion du conseil, Michelet reçoit une lettre de Charles
Reverdy, président de la confédération nationale des associations familiales
catholiques, qui lui fait part de ses extrêmes réserves vis-à-vis de cette
proposition de loi. Dans sa réponse datée du 15 juin 1967, Edmond Michelet
écrit : « Personnellement
je partage les sentiments sur les problèmes que vous soulevez. Vous n’ignorez
cependant pas qu’une très large majorité de catholiques a fait une confiance
totale à l’homme politique qui a lancé l’idée de la proposition de loi en question. »
Quelle
interprétation donner à ces lignes ? L’homme politique est Lucien
Neuwirth. Comment Edmond Michelet peut-il affirmer « qu’une très large majorité de catholiques a fait une confiance totale à
l’homme politique qui a lancé l’idée de la proposition de loi en question » ?
Et surtout, alors que le Magistère de l’Eglise est très clair dans son
opposition aux méthodes artificielles de contraception, Edmond Michelet – qui
se proclamera fidèle au pape Paul VI dans une lettre cosignée avec François
Mauriac, Etienne Gilson et treize autres personnalités et publiée dans Le Monde du 18 décembre 1968 – se
réfugie derrière une prétendue acceptation par les catholiques de la loi
ouvrant la voie à la commercialisation de la pilule, pour ne rien faire, ne pas
faire part ouvertement de son opposition à cette loi et ne pas démissionner du
gouvernement qui a donné son accord au vote de cette loi.
Intéressant
également, le passage sur Edmond Michelet et l’Islam : On y apprend
qu’Edmond Michelet participe au comité d’entente France-Islam depuis 1947. Il y
côtoie Louis Massignon. En juillet 1959, ministre des anciens combattants, il
participe à la cérémonie en l’honneur des sept saints dormants d’Ephèse,
cérémonie associant des musulmans qui lisent la sourate coranique sur la
légende de ces sept saints. Quelques mois plus tard, lors d’un hommage à
Charles de Foucauld, il salue chaleureusement la présence de Hamza Al-Sid
Boubakeur, député des Oasis (et non député d’Alger comme indiqué inexactement
dans le texte).
Comment
aurait réagi ses amis du comité d’entente France-Islam et les musulmans qu’il a
côtoyés à cette phrase d’Edmond Michelet rappelant son état d’esprit de 1939 à
propos du national-socialisme et de Hitler : « Je me refusais à l’instauration d’une civilisation, disons aujourd’hui,
pire que l’Islam ; nous étions en présence d’un nouveau Mahomet » ?
Encore un
exemple du double langage d’Edmond Michelet.
Pour finir, Jean-Dominique Durand et Nicole Lemaître traitent du
sujet : « Edmond Michelet et l’œcuménisme », un thème pour ainsi
dire non traité jusqu’alors. En 1962, Edmond Michelet devient président de
l’I.C.L. (International Christian Leadership), organisme rassemblant
catholiques et protestants qu’il avait découvert aux Etats-Unis en 1954. La
branche française en sera le Mouvement International de Responsables Chrétiens
(M.I.R.C.) qui accueillera également des orthodoxes. Le M.I.R.C. aurait
contribué au rapprochement de la France et de l’Allemagne, à la
compréhension entre pays du Benelux, à des rencontres fécondes entre la France
et l’Angleterre.
Dans le
cadre de l’I.C.L., une conférence mondiale est organisée à Noordwijk sur le
thème « Vivre en conflit ». Les auteurs de l’article y introduisent
artificiellement quelques lignes, d’ailleurs peu claires, sur l’attitude d’Edmond
Michelet à la fin du conflit algérien : « Nous reviendrons dans un autre contexte sur le rôle d’E. Michelet dans
les négociations en Algérie, parce qu’il joue d’abord son rôle d’homme d’Etat,
spécialement dans l’association France-Algérie qui lui tient particulièrement à
cœur ; mais c’est justement à cette occasion qu’apparaît le mieux cette
fonction qui consiste à « désarmer la haine », qu’il avait à
l’évidence apprise de l’expérience concentrationnaire et qui l’a amené,
plusieurs mois avant l’indépendance, à nouer des contacts avec les dignitaires
algériens. »
Une remarque
sur les "dignitaires algériens" : qualifier de dignitaires les
chefs du F.L.N. dont Edmond Michelet écrivait en juin 1957 « ils masquent
une frénésie raciste analogue à celle que Hitler voulait imposer au monde, en
utilisant des moyens identiques aux siens » est difficilement
compréhensible. De quelle dignité s’agit-il ?
Comment,
selon Nicole Lemaitre et/ou Jean-Dominique Durand, l’expérience
concentrationnaire a-t-elle pu amener
Michelet à nouer des contacts avec des gens qu’il compare aux nazis ? Qui
peut comprendre cela ?
Michelet - Carrefour Mars 1969
Un appel d'Edmond Michelet aux Evêques français
Ainsi
donc, Messeigneurs - pardon, Pères, puisque c'est ainsi que vous
entendez être interpellés en attendant le jour proche où il faudra sans doute
vous donner du Camarade - ainsi
donc vous venez nous informer de votre dernière découverte.
« L'unité des chrétiens est mise à rude
épreuve », selon vous, parce que d'une part l'annonce de l'Evangile
aux travailleurs est pour l'Eglise de France un impératif urgent et que,
d'autre part, « les communautés
chrétiennes souffrent d'être remises en cause de manière quelquefois brutale
par les chrétiens les plus représentatifs du monde ouvrier ou par des prêtres
en communion avec eux ».
Il
faut en convenir, mes Pères, notre unité est effectivement mise à rude
épreuve.
C'en
est une, par exemple, pour le laïc indigne qui formule ces réflexions que de
découvrir qu'en mai 1968 « ce qui
avait été pendant quelques jours la grande espérance du monde ouvrier… s'est
brusquement transformé en une douloureuse déception ».
Et
pourquoi donc, grands dieux ? Mais tout bonnement, s'il fallait vous en
croire, parce que l’affreux Théodose qui chez nous exerce scandaleusement les
fonctions de chef d’Etat sous le nom de Charles de Gaulle a prononcé le 30
mai un discours qui a ruiné cette espérance du monde ouvrier de voir « le changement profond de sa situation ».
Et voilà pourquoi, concluez-vous, nous « ressentons aujourd’hui, mais sous une forme accrue, le mécontentement
d’avant mai 1968 ».
Et
vous ajoutez gravement : « Il y a des signes qui semblent indiquer
qu’une nouvelle crise serait plus violente ».
Ah !
mes Pères, ne me tenez pas rigueur de vous parler avec la franchise d’un fils
qui se fait une si haute idée de la notion d’autorité qu’une image se
présente à lui devant votre déconcertante attitude : celle du manteau de
Noé qui lui avait déjà servi, naguère, pour se mettre en paix avec sa
conscience.
C’était,
faut-il vous le rappeler ?, lorsque, à la quasi-unanimité de certains
d’entre vous ou de vos prédécesseurs immédiats, vous vouliez nous convaincre
qu’en présence du totalitarisme nazi, il fallait nous résigner à la
collaboration.
Ne
vous est-il jamais venu à l’esprit que les premières manifestations de
désobéissance chez certains de vos jeunes prêtres et de vos laïcs sont venues
alors de leur refus de vous suivre dans une prise de position dont ils
discernaient, dès ce moment, les redoutables conséquences ?
Ces
conséquences, nous y voici.
Au
scandale dénoncé par le grand Pie X, celui d’une église du XIXe
siècle passant sans s’arrêter, comme le lévite de l’Evangile, devant les victimes
d’un capitalisme alors monstrueusement inhumain, est en train de s’ajouter,
si nous n’y prenons garde, en cette fin de notre XXe siècle, un
autre scandale, , celui que serait, par complexe de culpabilité, le
ralliement implicite aux thèses d’un autre totalitarisme qui prétend, comme
l’autre, répondre par la violence et par la haine au problème posé par ce
qu’il appelle la lutte des classes.
Ainsi
donc, mes pères, dîtes-nous le carrément : vieille lune que la doctrine
sociale de l’Eglise, comme ne le cessent de le proclamer vos « chrétiens les plus représentatifs du monde ouvrier » ?
Pêcheurs
de lunes, par conséquent, tous ces pontifes qui de Léon XIII à Paul VI, tout
comme de Gaulle, proposent la participation pour répondre à la légitime
attente des travailleurs ?
Vieille
lune, pour tout dire, quiconque se refuse à considérer Marx ou Freud comme de
nouveaux docteurs de l’Eglise.
Et
pour finir, vieille lune sans aucun doute, ayant le plus urgent besoin d’être
démythifié, le refoulé qui, en ce dimanche de Laetare, se prend à espérer
encore, à espérer toujours, comme jadis pendant votre terrifiant silence dans
son camp de concentration.
Ah !
Oui ! Mes Pères, rude, rude épreuve…
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