samedi 22 février 2014

Interview d’Edmond Michelet à Dachau le 5 mai 1945 par  un officier américain

(Langue originale : anglais)







L’officier américain : Etes-vous français ?

Edmond Michelet : Je suis français

O.A. : Pouvez-vous nous parler de votre expérience dans ce camp ? Nous aimerions savoir depuis combien de temps vous êtes ici et pour quelles raisons.

E.M. : Je suis un des premiers à avoir été arrêté en France. J’ai été arrêté à la fin de janvier 1943. Je suis ici depuis presque deux ans. Je suis resté six mois à la prison de Fresnes, à Paris ; un mois dans l’horrible camp de Sarrebruck où j’ai vu des choses terribles ; et je suis arrivé en septembre 1943. Alors, le camp n’était pas aussi dur qu’il n’était auparavant.
Mais cependant, j’ai aussi vu ici des choses terribles.

O.A. : Par exemple ?

E.M. : Par exemple, et bien, dix jours après mon arrivée ici, nous avons dû rester 36 heures à un endroit, 36 heures comme ceci (Edmond Michelet prend la position de « garde à vous »), au bon plaisir du garde, 


immobiles, à ne rien faire. Il était strictement interdit d’aller nulle part, de faire quoi que ce soit.
Ce que je veux vous dire : en juin-juillet dernier, un convoi français de milliers de personnes, des français, des politiques ; dans ce train, plus de la moitié des gens sont morts ; ils sont morts. En français on l’appelle « le convoi de la mort », the death convoy.

O.A. : C’est très similaire au train qui… (L’officier américain désigne un déporté interviewé auparavant)

E.M. : Exactement. Le mois de juillet a été celui de la mort d’un millier de français.

O.A. : De quoi sont-ils morts ?



 E.M. : Les gens d’ici disent qu’ils étaient entassés dans les wagons…, une température de 38°, pas d’eau depuis Compiègne, six jours, pas d’eau du tout, c’était absolument terrible.

O.A. : Combien de personnes sont-elles venues comme prisonniers… (inaudible)

E.M. : (Inaudible) ….. Nous étions parmi les premiers, je vous l’ai dit ; …(inaudible)

O.A. : A quoi attribuez-vous le fait que vous soyez en vie aujourd’hui ?

E.M. : A la Providence, à la Providence. Je suis catholique romain et, vous savez, je crois réellement en Dieu. (Avec un sourire) Je suis obligé de croire en Dieu !



O.A. : Merci, merci.