Cinquantième anniversaire de la loi Neuwirth.Monseigneur Jacques Perrier n’a rien vu.
Jacques
Perrier vient de publier un livre - on apprend en quatrième de couverture qu’il
est évêque - intitulé : « Trois
hommes de paix » et sous-titré : « Robert Schuman, Edmond Michelet, Franz Stock ».
Tous trois font
l’objet à Rome d’une procédure de béatification.
L’année 2017
marque le cinquantième anniversaire de la promulgation de la loi relative à la
régulation des naissances, c’est-à-dire la mise sur le marché de pilules
anticonceptionnelles. A cette occasion, la Poste a même émis un timbre à
l’effigie du promoteur de cette loi, le, député Lucien Neuwirth.
Quel rapport entre cette publication et
cette commémoration ?
Edmond Michelet.
Le 7 juin
1967, Edmond Michelet est ministre de la Fonction publique. La proposition de
loi relative à la régulation des naissances fait l’objet d’un tour de table au
conseil des ministres présidé par Charles de Gaulle.
Quand vient
le tour d’Edmond Michelet, celui-ci considère que « …de toute façon, c’est une loi de régression (…) La femme est une
personne, elle va devenir une chose. »
Le tour de
table terminé, De Gaulle conclut : « Enfin,
puisqu’il le faut, adoptons ce projet. »
Mais Louis
Reverdy, le président de la confédération des associations familiales
catholiques, en conformité avec la doctrine de l’Eglise, écrit à Michelet pour
lui faire part de ses extrêmes réserves sur cette proposition de loi. Le
ministre répond le 15 juin 1967: « Personnellement
je partage les sentiments sur les problèmes que vous soulevez. Vous n’ignorez
cependant pas qu’une très large majorité de catholiques a fait une confiance
totale à l’homme politique qui a lancé l’idée de la proposition de loi en
question. ». Edmond Michelet ne proteste pas,
n’agit pas, ne démissionne pas. La loi est votée le 19 décembre 1967. Ministre il est, ministre il
restera.
Le 25
juillet 1968, dans son encyclique Humanae Vitae, S.S. Paul VI réaffirme la
doctrine de l’Eglise sur la régulation des naissances et confirme le caractère
illicite des moyens anticonceptionnels non naturels qu’il avait déjà rappelé
lors du concile Vatican II.
Qu’écrit
Jacques Perrier dans son ouvrage sur cette question ?
Deux
lignes en tout et pour tout, et sans faire allusion à la loi Neuwirth :
« En décembre 1968, après la
querelle déclenchée par l’encyclique Humanae Vitae, Michelet signe une lettre
de soutien au pape Paul VI. »
L’ancien
évêque de Tarbes et Lourdes ne pose pas la question de savoir si, dans ces
circonstances, Edmond Michelet a vécu héroïquement la vertu cardinale de Force.
Pour lui, quoi qu’il en soit, Edmond Michelet est un héros. Est-il un
saint ? Le point d’interrogation le gêne.
Ces deux
lignes sont bien à l’image de l’ouvrage de Jacques Perrier : superficiel, historiquement
approximatif, passant sur ce qui dérange et non exempt de silences et d’erreurs
factuelles.
Un
exemple : le passage d’Edmond Michelet à l’Action Française dans les
années 1920 gêne manifestement Jacques Perrier. Il écrit : « Michelet lut les textes (de condamnation par
Pie XI) avec attention et obtempéra. » On sait qu’en réalité il
attendit la deuxième condamnation, de mars 1927, pour ne pas renouveler son
adhésion au mouvement de Charles Maurras.
Autre
extrait : « L’appartenance
d’Edmond Michelet à l’Action Française jusqu’à sa condamnation est plus
affective que militante. » Or le jeune Edmond Michelet, le 29 mai 1921
- il a 21 ans et ne doit pas rouler sur l’or – s’inscrit pour un montant de 4
francs à la souscription lancée par le journal (le numéro est alors à 20
centimes).
Le 21 octobre 1924, à la rubrique « Carnet du jour » de
L’Action française, on peut lire : « Nous apprenons avec plaisir la naissance de Christiane Michelet,
deuxième enfant de notre ami Edmond Michelet, ligueur de la section de Pau. »
Michelet,
pas militant d’Action française ?
Autre
exemple : l’injonction d’Edmond Michelet au procureur général Besson lors
du procès Challe-Zeller : « Le
code est formel, il prévoit la peine de mort. On n’aperçoit pas quelles
circonstances atténuantes peuvent être découvertes. »
Pour
exonérer Edmond Michelet d’avoir exigé la peine de mort, Jacques Perrier
invente un nouveau concept : « Ne pas pouvoir faire autrement ».
Si vous ne pouvez pas faire autrement, vous n’êtes pas responsable de ce que
vous avez fait. C’est très fort. Cela va très loin dans le domaine de l’irresponsabilité
et c’est contraire à toute conception chrétienne de l’homme ainsi qu’à l’évolution
du droit, en particulier depuis 1945.
Voilà
exactement ce qu’il écrit : « Le
ministre ne pouvait pas écrire autre chose, vu les sentences qui étaient, par
ailleurs, prononcées contre les rebelles algériens. »
Deux
remarques.
Comparer les
chefs de la révolte d’Alger contre l’abandon de l’Algérie dans les mains du
FLN, n’ayant pas de sang sur les mains, aux terroristes du FLN condamnés à mort
pour des crimes sanglants est tout simplement inique.
Hervé
Bourges, du cabinet d’Edmond Michelet au ministère de la Justice jusqu’en
septembre 1961, écrit dans un article du numéro 2008 de Télérama de juillet
1988 intitulé Le Fauteur de paix :
« Edmond Michelet m’avait chargé
d’étudier les dossiers des condamnés à mort (NdR des condamnés FLN) à propos
desquels il devait émettre un avis, avant qu’ils soient communiqués au Conseil
supérieur de la magistrature, puis soumis à la décision du chef de
l’Etat : opposé à la peine de mort, je ne l’ai vu en aucun cas transmettre
un avis qui ne fût en faveur de la grâce. » Finalement, Michelet exige
la peine de mort pour Challe et Zeller mais il est contre la peine de mort.
Comprenne qui pourra. Seule explication : il a remplacé le
« Politique d’abord » de sa jeunesse par le « De Gaulle
d’abord ».
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